Skip to content

Espérons-nous parfois des distractions qui seraient autres que le temps qui passe ?

Quel chemin prendre ?

Prêtons attention à l’écrivain lyonnais Claude Louis-Combet. Si vous aimez, comme moi, être déstabilisé, filons ensemble. Sinon, attrapez la première émission en cours à votre poste-télé, là vous aurez peut-être le bonheur.

Louis-Combet, né en 1932, lorsqu’on regarde son cheminement, est incroyable. Nous reviendrons sur lui. Mais j’ai le plaisir de posséder son livre Du sens de l’absence, publié en 1985.

Ça magane, mais il faut ces mots pour être heureux de vivre, malgré ce qui nous vient à leur lecture.

Imaginez, il ouvre ce livre ainsi :

 Comme si la terre se retirait, comme si le lieu, s’écartant de nous, s’ouvrait progressivement jusqu’à n’être plus que béance illimitée — ainsi qu’une bouche, celle d’un enfant ou d’un mourant, qui, dans l’extase de l’instant, oublierait de se refermer ; comme si l’horizon, dans sa fuite, laissait entrevoir son au-delà de vide, d’immobilité et de néant ; comme si les lieux, sensibles entre tous, que furent le jardin, le cour, la maison, prenaient leurs distances dans la mémoire et s’étendaient comme seuls en eux-mêmes et pour rien ; comme si le refuge, d’avoir été déserté, perdait tout pouvoir d’accueillir et d’abriter — c’est ainsi que prend corps le dernier paysage.

Et si nous ne sommes pas réellement étonnés de tant de vacuité dans le territoire qui nous est assigné et que, par habitude, par entraînement et sous la pression de mille urgences, nous nous obstinons à parcourir, c’est que, depuis longtemps, depuis toujours peut-être, nous soupçonnions les choses d’être plus creuses qu’elles n’en avaient l’air.

L’enfance elle-même, dont on a souvent vanté les facultés d’incessant renouvellement et la vocation à la plénitude, savait ouvrir, en secret, comme une porte sur l’abîme, d’inertes instants d’hébétude et d’absolue vacance.

Rien de plus bouleversant que certaines évidences sensibles, dans leur immédiateté. Ainsi, parfois, extirpé du sommeil ou du jeu, l’enfant éprouvait, brusquement et intensément, l’infinitude de l’espace et l’inépuisabilité potentielle du monde. Alors, pour ainsi dire ruiné dans le sentiment de son être par le sentiment de son appartenance à une puissance infiniment plus vaste que lui-même, l’enfant nous regardait sans nous voir et sans comprendre.

 

Pas facile, Monsieur Combet.

Claude Louis-Combet, Du sens de l’absence, Paris, Éditions Lettres Vives, 1985, coll. « Nouvelle gnose », p. 7s.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS