« Adorable femme des neiges », 1958, de Roland Giguère, extraits
Roland Giguère (1929-2003), écrivain, peintre et graveur, fut beaucoup aimé dans les milieux culturels québécois. Discret, il n’était vraiment pas homme à courir les micros ou les caméras. Le voici ici dans quelques-uns des 12 poèmes d’Adorable femme des neiges.
I
Nous sommes loin d’ici
sur les chemins de neige
nous sommes loin
de la veille sans lendemain
nous sommes seuls
et le silence prépare un feu parfait
à l’ombre même de nos désirs
nous appartenons à tous les futurs
puisque ta réalité est possible
puisque tu es réelle
au cœur des neiges éternelles
je laisse mon dernier regard
à l’orée de ta beauté
II
Pour ta réalité offerte
mille légendes dorées
pour ta beauté secrète
une ceinture d’astres légers
IV
Les midis sont pâles
dans ce pays d’où je viens
et la lune rouille sur les remparts
il y a des jours où tout est vain
sauf ton image
sauf la blancheur de ton corps
sur ces terres amères
le calme pèse nos paroles
aux heures creuses
et la force nous vient d’un autre âge
pour croire aux adages
qui hantent nos hivers
X
Tu vois
la parole est rare et précieuse
maintenant que nous sommes seuls
parmi ces soleils
il n’y a plus d’opaque
il n’y a plus d’ornière
et les fléaux passent
bien au-dessous de notre ciel
XI
Je te laisse mes rênes à leur destin
je te tiens pour toute lumière
et mes mains te serrent
pour garder l’empreinte de ta présence
je froisse ta chair pour en tirer les éclats
je m’aveugle à ta foudre
je m’abîme en toi
Roland Giguère, L’âge de la parole, Poèmes 1949-1960, Montréal, Typo, 2013.
Que de beauté tissée dans ces mots tout simples et si délicatement agencés… Je suis sous le charme.
Giguère, qui travaillait bellement, n’était pas très connu dans les milieux populaires.
Ne possédant pas de recueil de ce poète, pour faire suite à votre publication et poursuivre mon enchantement, je me suis délectée de ses mots suaves sur cette page… où je reviendrai !
http://francais.agonia.net/index.php/author/0016149/Roland_Gigu%C3%A8re
Merci encore de nous faire découvrir les écrits de ceux et celles dont on a peu ou pas assez parlé quand ils étaient parmi nous…
Nous pouvons trouver facilement chez tout libraire, pour une poignée de trente sous, le recueil en poche des poésies de Giguère de 1949 à 1960 que je cite à la fin de ce billet.