Il ne lui manque plus que les clefs de la voiture
Il y avait une faiblesse dans le mur arrière de la maison, il a eu le talent de la découvrir et d’y aller de travaux de déconstruction. Quand même.
Le voilà dans le grenier. Il y a là une caisse de coupures de presse des années 1960 portant sur l’exploration spatiale. Peut-être est-il, en train de tout apprendre avant un voyage éventuel vers Mars. Connaître l’astronaute John Glenn. Également Edward White, le premier Américain à sortir dans l’espace. Et le décès de celui-ci avec ses collègues Virgil Grissom et Roger Chaffee, brûlés dans la capsule Apollo 1, encore au sol.
Et qui est-il ? Est-ce le retour de Jules, qui avait passé quelque six semaines ici l’an passé. Je vous l’avais proposé. À donner, personnage sympathique à lunettes. Rappelez-vous. J’ai fait campagne et campagne. Mais personne ne voulait de lui. Je ne vous avais pas caché qu’il en viendrait à allumer votre poste de télé, à vous suggérer la meilleure chaîne d’info en continu, et à chaque fois avec son visage prêt à toutes les excuses.
Ça l’avait bien attristé d’ailleurs que personne ne s’intéresse à lui. Rappelez-vous.
Et si ce n’est pas Jules lui-même, est-il de la famille ? Petit cousin ? Il me semble reconnaître des airs.
Et puis la prochaine fois, ouvrant la porte de mon frigo et découvrant deux sortes de bière, l’une alcoolisée et l’autre sans alcool, vais-je le retrouver assis à la table, buvant une Black ou une Grolsch, avec un gros cigare à la patte… ou au bec ?
Il va falloir que nous causions, lui et moi. Dites, être solitaire que vous êtes, vous n’aimeriez pas vivre votre vie avec un copain dégourdi ? L’offre de l’année dernière pour Jules tient toujours pour celui-ci. Bien plus, on me dit qu’Amazon livre maintenant dans les campagnes. Vous pourriez lui apprendre à se servir de votre téléphone intelligent, objet dont j’ignore complètement le fonctionnement, étant moi-même encore à cadran. Et si, un soir d’hiver venu, il en venait à s’ennuyer de mon lieu, il pourrait m’appeler et s’épancher auprès de moi. Je saurais le comprendre et lui expliquer qu’il est beaucoup mieux avec vous qu’avec moi, constamment perdu dans mes pensées.
Allez, ne passez pas à côté de cette offre, vous pourriez le regretter. Entre-temps, il faut que nous causions, lui et moi, et que je retrouve dans ma paperasse mon dictionnaire français-raton.
Regardez-lui l’air, tout attendri qu’il est, un brin déjà inquiet de partir, dirait-on. Allez, laissez-vous gagner, voyons.
Jacques Prévert et Pierre Foglia avaient raison.
Jean, j’ai le sourire d’une oreille à l’autre. Ton texte et tes photos sont un pur enchantement. Si j’habitais la campagne ou une maison unifamiliale où que ce soit, je mettrais mon nom au bas de la liste de ceux qui rêvent d’adopter Jules. Lui qui a des petites mains si habiles, j’aurais des petits travaux pour l’occuper, histoire de lui faire oublier le goût des cigares.
Merci pour ce trop court moment de plaisir, il me fait oublier les platitudes de nos politiciens.
Merci à toi, chère. Et n’oublie pas. Si tu connais quelqu’un ou quelqu’une qui cherche un bien habile compagnon à tout faire, j’ai la réponse.
Concernant ton dictionnaire français/raton, je me permettrai de te conseiller plutôt le Dictionnaire Olfactif Adapté aux Ratons. Tu trouveras sans peine un exemplaire de ce volumineux ouvrage dans l’atmosphère de la déchetterie la plus près de chez toi. Mais ça prend du nez pour s’y reconnaître !! (et de la patience)
Les ratons raffolent de 2 choses : les odeurs et les interdits (oui je sais, il y a plusieurs humains de ce type). Si « Jules » est rentré chez toi, c’est par une odeur et s’il en sort ce ne sera pas par un interdit !! (en inversant la phrase, tu auras la solution pour t’en débarrasser). La contradiction relève souvent d’une rhétorique inutile alors que la séduction est encore plus souvent qu’autrement payante sinon divertissante.
Bonne chance !
Merci, cher ami, de tes précieux conseils. Je m’en vais d’abord, de ce pas, dans une déchetterie, je n’arrive pas à retrouver mon dictionnaire de quelques pages, français-raton, dans ma paperasse.