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Elle m’a tourné autour tout le jour

Voilà un papillon enjoué et curieux, qui n’est vraiment pas à la peine. Lorsqu’on parle de synanthropie, il ne faut pas oublier celle-ci. Elle s’arrête bien à l’occasion pour butiner un brin, histoire de se nourrir, ce qui me permet alors de la photographier. Mais elle tient d’abord à avoir une vue de tout le milieu où elle se trouve.

Et allez-y d’une différence quelconque dans l’endroit où vous êtes qu’elle accourra pour connaître cette nouveauté. Placez simplement une chaise, stationnez votre auto, élevez un drapeau, qu’elle viendra voir. Elle n’est satisfaite qu’à la condition de savoir.

Dommage qu’elle ne puisse parler, que nous ne puissions échanger. C’est le premier papillon avec qui j’aimerais causer. Elle a une très longue histoire. Tout ce qui s’est écrit à son sujet depuis très longtemps remplirait quelques tablettes d’une bibliothèque publique.

Même Pline l’Ancien (23-79), l’écrivain et naturaliste latin décédé de l’éruption du Vésuve en août 79, disait que, chez les Romains, on élevait contre elle un épouvantail dans la culture de chou, car elle a toujours aimé pondre dans le chou. On croyait qu’un pieu surmonté d’un crâne de cheval blanchi au soleil arriverait à lui faire peur. Mais sans doute que rien n’y faisait ; bien au contraire, curieuse comme elle est, aimant assurément le changement, elle s’approchait probablement pour être témoin des travaux qu’on y menait.

L’entomologiste Jean-Henri Fabre (1823-1915), lui, parle plutôt de la coquille d’un œuf coiffant une baguette. Mais jamais, selon lui, a-t-on vu ce papillon pondre dans cette coquille.

Certaines sources sur internet affirment qu’on aperçoit ce papillon en Amérique du Nord à Québec même en 1860. Or, déjà le 6 août 1749, le Finlandais Pehr Kalm remarque sa présence à Québec sous forme de vers dans les choux pommés, vers « qui mangent la feuille et y font trou sur trou » et affirme, le 14 août, toujours en 1749, que « le chou, dans presque tous les endroits que j’ai visités au Canada, est assez vilainement traité par les vers et une grande quantité de feuilles sont inutilisables ». (Voyage de Pehr Kalm au Canada en 1749, traduction annotée du journal de route par Jacques Rousseau et Guy Béthune avec le concours de Pierre Morisset, Montréal, Éditions Pierre Tisseyre, 1977, p. 225, 270)

Ces vers évoqués par Kalm viennent de la Piéride du chou (Artogeia rapae, Imported Cabbageworm). C’est là le nom qu’on lui a donné.

Ici même, il s’agit peut-être de la troisième génération depuis le printemps.

Quelle bête qui a traversé le temps avec ces simples couleurs !

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