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Au début du mois de février 1908, la région de Québec vit une grande tempête. (Second de deux billets)

Suite de cette tempête qui a frappé la région de Québec au début de février 1908. Hier, nous en lisions les effets sur la ville même de Québec.

Allons voir maintenant à Lévis, sur la rive sud.

Comme après le grand déluge, nos ravissantes colombes lévisiennes qui mettent, aujourd’hui, leur frimousse rose à la porte de leur demeure, dans l’air vif, ne savent où s’aventurer.

La bourrasque a en effet semé de ci de là des enfilades de montagnes russes, que la « gratte » des entrepreneurs chargés de l’entretien de nos rues n’a pas encore eu le temps d’effleurer.

Les tempêtes de neige ont des effets aussi curieux que capricieux chez nous. Tout le monde a souvenance, à Lévis, de tempêtes de neige qui, à l’instar des simouns du désert, engloutissaient à ce point maintes demeures, que les occupants décrivaient le lendemain la situation par ce distique d’un poète décadent.

Nous ne sortîmes pas par la porte, car la lucarne était libre et nous sortîmes par là.

Nous avons eu samedi une répétition de cette sarabande des éléments que les anciens affirment n’avoir rien à envier à celles d’antan.

Sur certain point de nos falaises [il y a des falaises à Lévis, comme à Québec], la neige s’est accumulée à des hauteurs de trente pieds et plus [9,14 mètres et plus].

Ici, c’est une muraille blanche à la crête altière que le vent a modelé capricieusement ; là un toit émerge d’une monstrueuse vague que l’accalmie a soudain figée, plus loin le vent capricieux a aligné une suite de vallons et de collines.

Bref, l’entonnoir gigantesque que présente notre ville a reçu sa pleine mesure. Nos rues sont encombrées, la circulation paralysée. Il va sans dire que notre système électrique est en panne. Pour comble de malheur — on sait que le pouvoir moteur de la compagnie est restreint par suite des bris d’une machine électrique — pour comble de malheur, disons-nous, la puissant charrue rotative sur laquelle on comptait pour ouvrir la voie aux voitures électriques est descendue la pente très inclinée de la rue Fraser, samedi matin, et est allée se briser en dehors de la voie, complètement hors service.

Comme le service électrique, le service des trains de l’Intercolonial, Québec-Central et du Grand Tronc est dans un état pitoyable.

Malgré que l’on ait sorti de leur remise toutes les charrues disponibles, tous les trains sont entrés en gare de Lévis avec des retards de 5 à 20 heures, d’autres ont été cancellés.

L’express maritime, samedi, avait un retard de 15 heures.

Un autre contretemps attendait à Lévis les voyageurs que chaque train arrivant nous amenait.

Les banquises que charriait le fleuve, rendant la traversée impossible aux brise-glaces, on fit l’assaut de nos rares hôtels.

Complet, répondait-on aux cinquante voyageurs qui trimballaient leurs malles du Victoria au Kennebec, du Kennebec au Globe, et du Globe au Saint-Louis.

M. Octeau, le propriétaire du Saint-Louis, à qui le conseil a refusé sa licence, voulut bien ouvrir les portes de sa maison aux voyageurs qui, sans cela, n’auraient eu pour partage que le plancher hospitalier du poste de police.

Ce n’est certainement pas la centaine de voyageurs que la tempête a laissés désemparés sur nos bords, au pied de la falaise de Lévis, qui voteraient, l’an prochain, la fermeture des quelques rares hôtels hospitaliers que Lévis possède.

 

Le Soleil (Québec), 3 février 1908.

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