« L’odeur de mon pays »
L’odeur de mon pays était dans une pomme.
Je l’ai mordue avec les yeux fermés du somme,
Pour me croire debout dans un herbage vert.
L’herbe haute sentait le soleil et la mer,
L’ombre des peupliers y allongeaient des raies,
Et j’entendais le bruit des oiseaux, plein les haies,
Se mêler au retour des vagues de midi…
Combien de fois, ainsi, l’automne rousse et verte
Me vit-elle, au milieu du soleil et, debout,
Manger, les yeux fermés, la pomme rebondie
De tes prés, copieuse et forte Normandie ?…
Ah! je ne guérirai jamais de mon pays!
N’est-il pas la douceur des feuillages cueillis
Dans la fraîcheur, la paix et toute l’innocence?
Et qui donc a jamais guéri de son enfance ?…
Lucie Delarue-Mardrus.
La Patrie (Montréal), 8 janvier 1910.
La photographie de Madame Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) fut prise par Paul Nadar le 27 février 1914. Elle est attachée à la page Wikipédia qui lui est consacrée.
Voici ce poème dit ici par l’actrice française Françoise Rosey.