Le poète et la terre, selon le penseur contemporain Kenneth White
Extrait de son livre La Figure du dehors, Grasset et Fasquelle, 1978, p. 48.
Puisque, pour le poète, il n’existe pas de monde « tout fait » auquel il n’aurait qu’à s’adapter, il se trouve sur la terre dans une situation originale, conscient de toute la profondeur et l’étendue de son être, sans aucune notion fixe de son identité ou de sa fonction. C’est ici, dans ce domaine difficile et dangereux, parce que non défini, que commence la poésie.
Si « monde » signifie le modèle fixe de perception et d’existence auquel le non-poète s’adapte plus ou moins pathologiquement, le poète vit et pense dans un chaos-cosmos, un chaosmos, toujours inachevé, qui est le produit de sa rencontre immédiate avec la terre et avec les choses de la terre, perçues non comme des objets, mais comme des présences.
La photographie du poète Charles Gill (1871-1918) au sommet du cap Éternité surplombant le Saguenay se trouve dans son recueil de poèmes Le Cap Éternité, paru en édition posthume en 1919. Comme Jules Fournier, Charles Gill est décédé bien jeune de la grippe espagnole en 1918.