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Joe Beef, un héros connu à Montréal durant le dernier tiers du 19e siècle (Quatrième de quatre billets)

Retour au dernier de quatre billets sur Joe Beef.

Nous avons vécu quelques jours de distraction, venus des travaux d’Hydro-Québec menés pendant plusieurs heures dans la ruelle voisine, nous privant d’électricité pendant un plein jour, puis des modifications au site de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

Nous revoilà chez Joe Beef. Pour terminer cette série sur ce personnage, parlons de dormir chez lui.

Les dortoirs de Joe Beef sont composés d’une dizaine de pièces au troisième étage. Ces appartements n’ont pas de lambris dorés, on y ignore le marbre, le noyer noir et l’érable ondée.

Le pratique ne repose pas sur l’édredon, mais il n’est pas couché sur un grabat. Les dortoirs contiennent environ 120 couchettes en fer ou en bois. Sur chaque lit, il, y a un couvre-pieds, deux couvertes, deux draps et deux matelas en laine.

Chaque pensionnaire a un lit à lui tout seul. Règle ordinaire, les coucheurs sont au nombre d’environ cent par nuit. Deux employés de la maison font le quart dans le corridor pendant tout la nuit. Les conversations à voix haute sont rigoureusement prohibées.

À sept heures du matin, il faut que tout le monde soit debout dans les dortoirs de Joe Beef, car le propriétaire de céans a horreur de la paresse. Dès que les pensionnaires sont levés, les fenêtres sont ouvertes et la brise du fleuve vient changer l’atmosphère des chambres à coucher.

Un gite pour la nuit coûte 10 sous. Le lendemain matin, le coucheur a droit à un poulet du Labrador, ce qui dans le langage de Joe signifie un hareng, et une grosse miche de pain bis.

La buvette se ferme à minuit, mais le voyageur en peine peut entrer dans l’hôtellerie à n’importe quelle heure avec l’assurance d’y trouver son couvert.

Les précautions hygiéniques sont tellement bien observées dans la cantine de Joe Beef que la presse de Montréal n’a été appelée qu’une fois depuis huit ans à enregistrer un décès dans sa maison, pendant qu’il ne se passe pas une semaine sans que quelques cas de mortalités ne soient rapportés à la maison de refuge de la rue Dorchester, et les malheureux couchent sur le plancher et ont une très maigre pitance.

Joe emploie un gardien de nuit qui monte la garde pendant la nuit autour de sa cantine. Pendant les grandes bourrasques d’hiver, il arrive très souvent que des pochards sont trouvés, la nuit, couchés sous une épaisse couche de neige où ils trouveraient infailliblement la mort s’ils n’étaient recueillis par le gardien de nuit et transportés dans les dortoirs de l’hôtel.

Je serais le plus malheureux des hommes, dit Joe, si le public apprenait un jour qu’un malheureux serait mort de faim ou de froid à nos portes.

 

La Patrie (Montréal), 30 octobre 1884.

Vous trouverez sur le site les trois billets précédents aux dates suivantes : le 22 octobre, le 23 octobre et le 24 octobre, 2017, bien sûr.

La photographie prise par Henri Robillard en 1970 fait partie d’un lot de 36 images sur le thème « Les gens de la rue » déposé à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec dans le Vieux-Montréal, Fonds ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Office du film du Québec, Documents traités, cote : E6,S7,SS1,D701043 à 701045.

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