Vous connaissez un peu la grande Simone Weil (1909-1943) ?
Vous avez envie de l’approcher davantage ? Tentez de mettre la main sur ses cahiers. Sa démarche est exigeante, il faut que vous acceptiez le fait avant de s’y attaquer. Mais ses cahiers cachent de bien belles réflexions. Voyez.
Dionysos, dieu chlorophyllien. La chlorophylle est l’intermédiaire entre l’énergie solaire et nous. Comme la lune nous permet de contempler face à face et longtemps la lumière solaire, ainsi la chlorophylle nous permet de manger et de boire l’énergie solaire. Quand nous buvons le vin, nous buvons l’énergie solaire elle-même. On s’est est sûrement toujours rendu compte. Ce n’est pas difficile.
Il est littéralement vrai que l’énergie solaire descend dans les plantes, et par suite dans les animaux de telle manière que nous puissions la manger après l’avoir tuée ; et que plantes et animaux sont médiateurs entre le soleil d’ici-bas et notre faim charnelle.
Non seulement notre faim, mais tous nos besoins. Nous nous bâtissons des maisons, au défi de la pesanteur, avec l’énergie solaire sous forme de bois.
L’énergie solaire descend dans les plantes et les animaux comme vie, mais devient mort avant de satisfaire nos besoins. La Croix est un arbre mort.
Dans les bœufs de labour, les chevaux, etc., l’énergie solaire reste vivante, mais devient notre esclave. […]
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Chaque fois qu’on coupe une plante, qu’on égorge un animal, on tue le soleil, qui consent à ce meurtre. Nous mangeons et buvons le soleil.
Quand le soleil cesse de venir se faire manger par nous, nous avons faim.
Le soleil a aussi le monopole de la fabrication de l’eau pure à partir de l’eau salée de la mer.
Comme le soleil passe dans la plante par la maturation, le feu, soleil dans nos demeures, y passe par la cuisson.
Si on pouvait sentir ces symboles avec le sens du goût dans chaque bouchée de pain…
Simone Weil, Cahiers III, Nouvelle édition revue et augmentée, Librairie Plon, 1974, p. 180-181.
La suite : demain « Le soleil et le petit cheval »