Prêtez-vous attention, même devenu grand, aux cailloux sur votre chemin ?
L’écrivain et sociologue Roger Caillois (1913-1978) pourrait vous en dire bien long à ce sujet. Déjà, il nous accompagne depuis un moment sur ce site interactif. Il suffit simplement de s’y laisser mener.
Un autre personnage, Robert Olivaux (dont j’ignore tout), a célébré les cailloux lui aussi dans un petit ouvrage bien sympa. Avez-vous déjà pensé que le caillou puisse saluer votre liberté intérieure si vous êtes disponible ? Extraits.
On pourrait dire, d’une façon lapidaire, que le caillou ne se cherche pas : il se trouve, il se rencontre. On ne l’invente qu’à condition d’en être capable.
Un caillou, nous le pressentons déjà, peut être tout ou rien : il est fonction d’une disposition intérieure. Autrement dit : un caillou, c’est d’abord un état d’esprit. Pour le trouver, il faut le porter en soi, l’attendre en soi : il faut être prêt à le découvrir. C’est pourquoi il n’y a pas de caillou possible sans une certaine vie intérieure, et pas de caillou sans recueillement.
On ne saurait s’étonner de ce que la plupart des gens ne trouvent pas de cailloux. Coupés de la nature, ils vivent dans un univers si organisé qu’un grain de sable en perturberait la mécanique. […] D’ailleurs, la plupart des gens ne savent plus regarder à leurs pieds, peut-être parce qu’ils ne savent plus se conduire. C’est pourquoi les cailloux ne se révèlent qu’aux petits. Où vont les superbes, le caillou ne se rencontre pas. Il exige la modestie, la réceptivité, la liberté intérieure.
Faites-en l’expérience, et vous apprendrez que le caillou ne se laisse pas prendre davantage qu’un gibier ; il est plus habile que vous ne le croyez. Partez un beau matin dans la campagne avec un sac ; il y a gros à parier que vous ne trouverez rien ; on trouve mieux si l’on cherche moins. Quittez par contre votre maison, l’esprit libre, sans trop d’idées préconçues, sans but trop précis et sans sac. N’en doutez pas : ou vous rentrerez les poches pleines, ou vous rencontrerez le caillou de la journée, celui qui l’ouvre et qui la conclut, qui la remplit, l’achève, celui qui vous attendait au détour du chemin, celui qui a dirigé vos pas, qui vous a choisi plus que vous ne l’avez élu. […]
Il faudra revenir à ce petit livre de sagesse qui se cache sous les couleurs d’un caillou.
Robert Olivaux. Célébration des cailloux, Le Jas, Robert Morel éditeur, 1967, p. 20-22.