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L’écrivain Jean Giono (1895-1970) publie en 1943 « Rondeur des jours ».

Dès le début, il explique cette expression.

Les jours commencent et finissent dans une heure trouble de la nuit. Ils n’ont pas la forme longue, cette forme de choses qui vont vers des buts : la flèche, la route, la course de l’homme. Ils ont une forme ronde, cette forme des choses éternelles et statiques : le soleil, le monde, Dieu.

La civilisation a voulu nous persuader que nous allons vers quelque chose, un but lointain. Nous avons oublié que notre seul but, c’est vivre et que vivre nous le faisons chaque jour et tous les jours et qu’à toutes les heures de la journée nous atteignons notre but véritable si nous vivons.

Tous les gens civilisés se représentent le jour commençant à l’aube ou un peu après, ou longtemps après, enfin à une heure fixée par le début de leur travail ; qu’il s’allonge à travers leur travail, pendant ce qu’ils appellent « toute la journée » ; puis qu’il finit quand ils ferment les paupières. Ce sont ceux-là qui disent : les jours sont longs.

Non, les jours sont ronds.

Nous n’allons vers rien, justement parce que nous allons vers tout, et tout est atteint du moment que nous avons tous nos sens prêts à sentir. Les jours sont des fruits et notre rôle est de les manger, de les goûter doucement ou voracement selon notre nature propre, de profiter de tout ce qu’ils contiennent, d’en faire notre chair spirituelle et notre âme, de vivre. Vivre n’a pas d’autre sens que ça.

 

Jean Giono, Rondeur des jours, Paris, Éditions Gallimard, 1943, p. 7s.

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