Le folkloriste Jacques Labrecque aurait 100 ans aujourd’hui
Il est né le 8 juin 1917 à Saint-Benoît-du-Lac, il est décédé à Longueuil le 18 mars 1995. Et ayant fait sa thèse en ethnologie à l’Université Laval sur Jacques Labrecque, personne mieux que Mathieu Perron pouvait nous en parler. À toi la parole, cher Mathieu.
Tout au long de sa longue et riche carrière, Jacques Labrecque a cherché sa place au soleil en sortant des sentiers battus. Avant lui, quelques chanteurs et chœurs d’hommes avaient déjà porté – avec succès – la chanson traditionnelle canadienne-française sur la scène locale et dans les ambassades. C’est par sa touche très personnelle que Labrecque fait sa marque : il présente les chansons bien connues du public, tout en valorisant les versions authentiques, quitte à déranger. Il ne censure et ni n’enjolive les paroles des chansons traditionnelles comme l’avait fait l’abbé Gadbois avec le répertoire de sa « Bonne chanson ». Ainsi, Labrecque n’hésite pas, à l’occasion, à entonner des pièces qui peuvent contenir des allusions scatologiques ou sexuelles… Ce que les bien-pensants décrient, bien sûr. Son répertoire est donc plus large que celui entendu sur les scènes de l’époque : il s’abreuve au répertoire d’Acadie que le père Anselme Chiasson avait recueilli, au répertoire publié par les chercheurs des Archives de folklore de l’Université Laval et à celui que lui fournissent ses correspondants tant canadiens et que français. Selon le public auquel il s’adresse, il peut divertir ou éduquer, puisqu’il apprécie particulièrement la formule des concerts-conférences, qu’il avait probablement connue avec les Matinées musicales de l’Orchestre symphonique de Montréal, initiées par Wilfrid Pelletier.
Le coloré chanteur a offert des prestations sur les scènes du Canada, des États-Unis, de la France, du Maroc et de l’Angleterre. Des années 1940 aux années 1960, il a une belle place dans le monde du « showbiz » naissant au Québec. Son personnage d’habitant fier et sans complexes obtient un grand succès à la radio, puis à la télévision. À la fin des années 1950, il recherche des textes de chansons populaires qui se distingueraient des « tubes » américains et français. Il précède ainsi de quelques années la vogue des boîtes à chansons, en diffusant (spectacles, disques, musique en feuille) les compositions de Gilles Vigneault, Jean-Paul Filion, Lawrence Lepage et Tex Lecor. Malheureusement, cet excellent dépisteur aura des démêlées avec ses « poulains » lorsque le succès viendra : c’est probablement ce qui l’incite à revenir à un répertoire plus traditionnel, notamment lors de fameuses tournées en carriole qui l’amènent à sillonner le Québec de village en village.
Au début de la cinquantaine, il adopte Charlevoix comme lieu de résidence et participe activement à la diffusion de la chanson, de la danse, du conte et des légendes de cette région, tant comme organisateur, éditeur et interprète. Il consacre les dernières années de sa carrière à vanter le caractère éducatif du folklore, notamment en contexte d’apprentissage musical. Il est aussi convaincu que l’identité québécoise doit puiser à la tradition, et que chaque région du Québec possède un folklore qui a sa propre couleur. Ces idées sont au coeur de son dernier grand projet, celui de sa Géographie sonore, qu’il n’aura malheureusement pas l’occasion de terminer.
Exigence, enthousiasme, audace et ténacité résument bien la carrière du personnage… Car c’en était tout un !
L’auditeur d’aujourd’hui, pour apprécier ses œuvres, doit prendre le temps d’écouter ses pièces, d’apprécier les nuances musicales, le choix des versions. Cet effort sera inévitablement récompensé.
Mathieu Perron, ethnologue.
Merci, cher Mathieu. Tu arrives vraiment à nous illustrer comment ce gars-là nous a aimés à travers nos chants. Merci beaucoup. C’est précieux.
On peut rejoindre Mathieu et les siens sur leur compte Facebook. Et visionner aussi leur sympathique réflexion à la campagne sur You Tube.
Les droits de reproduction de cette pièce de musique en feuille, appartenant à Raoul Breton, à Paris, et montrant Jacques Labrecque attaché à la chanson de Charles Trenet, sont de 1945. On dit que Trenet avait déjà commencé à travailler à cette chanson en 1943 bien qu’elle fut popularisée par Trenet lui-même en 1946. J’ignore s’il existe un enregistrement en 78 tours de Labrecque chantant La Mer. En américain, Beyond the Sea, fut popularisée par Bobby Darin à la toute fin des années 1950.
La photographie ci-haut mérite quelques explications. Au début de février 1960, après avoir rencontré le maire de Montréal, Sarto Fournier, qui lui remet un message souhaitant grand succès au Carnaval de Québec, Jacques Labrecque, aux commandes d’une carriole tirée par deux juments, Bourrasque et Tempête, prend la route pour Québec. Voyageant au pas lent de ses deux magnifiques bêtes, il s’arrête de place en place, se rend saluer le maire de l’endroit et donne un spectacle chaque soir. Bien sûr, partout, il invite tout le monde à le suivre, à gagner Québec pour venir faire la fête. Enfin, le samedi 13 février, en avant-midi, le voilà dans la capitale, le visage buriné, l’œil coquin. Les juments ont bien mérité de se reposer maintenant. Sur la photographie, à sa droite : le président Paul A. Chaput ; à sa gauche Roger Bernier. Voir mon livre Le Carnaval de Québec. La grande fête de l’hiver, Commission de la Capitale nationale du Québec et les Éditions MultiMondes, 2003, p. 66.
Mes remerciements à madame Christine Bricault, du Centre québécois du patrimoine vivant, pour m’avoir donné les coordonnées pour rejoindre Mathieu. Merci aussi à mon ami Simon Vézina qui, il y a deux mois certainement, m’a mis sur la piste du centenaire prochain de Jacques Labrecque : « Selon toi, il viendrait d’où et ça lui ferait quel âge ? »
Mon ami de bien longue date, Richard Baillargeon, immense connaisseur de la chanson québécoise, me dit qu’il n’a pas l’interprétation de « La Mer » par Jacques Labrecque, mais celle de « Gondolier », qui était, me dit-il avec le sourire, « au répertoire des Compagnons de la chanson… et de Dalida ! »
Merci, cher Richard.
Pour le compte Facebook de Richard, tapez ici.
j’ai un souvenir du 45 tours de la parenté est arrivée et l’envers était …Pour avoir des gros melons… lorsque j’en parle…personne ne se souviens de ce 45 tours . Malgré mes 67 ans, je suis certain de l’existance de ce vinyl. Merci de me le confirmer.
Je lance l’appel, Monsieur Marchand, à monsieur Perron, grand spécialiste de Jacques Labrecque.
Bonjour, Monsieur Marchand. Mon ami, monsieur Perron, m’écrit :
En 1957, Jacques Labrecque a lancé un 78 tours sur étiquette London avec deux chansons de Jean-Paul Filion: «La Parenté» (face A) et «Monsieur Guidon – chienne de vie» (face B). Si la première chanson a eu le succès que l’on sait, la seconde a aussi joué passablement, avant d’être censurée à la radio. Je n’ai malheureusement pas trouvé d’informations sur une chanson qui aurait parlé de gros melon. Il y a bien une allusion dans «Genticorum» («…des choux pis des melons, et des groseilles…»), mais il n’y a pas de double sens dans cette chanson.
Salutations à vous, à Pierre Marchand et à vos autres lecteurs.
Ce fut mon grand père je ne lai malheureusement pas connu. Aujourd’hui sa femme veuve Michelle duquette est décéder à baie saint Paul. Reposez en paix .
Merci beaucoup, chère Stella, de nous signaler le départ de votre grand-mère Michelle à Baie-Saint-Paul. J’ai eu la chance de rencontrer votre grand-père à quelques reprises, mais pas votre grand-mère. Je savais qu’elle a tenu une galerie d’art pendant un moment.
Merci infiniment, chère Stella, Toutes mes condoléances.