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Notre langue nous fut donnée en héritage

Elle vient du grand siècle, le 16e, celui de l’apogée de la Renaissance. Léonard de Vinci et Michel-Ange l’ont entendue. Les rois d’Espagne et d’Angleterre également. Montaigne, François 1er, Jacques Cartier, Rabelais, de Ronsard, François de Roberval, Clément Marot, Joachim du Bellay la parlaient. Même Champlain, né vers 1570, étant enfant, fut bercé par ces mots.

Elle vient du cœur de Paris, mais aussi de la Charente, du Poitou, de la Saintonge, de la Loire, de la Normandie et de la Picardie. Les Acadiens l’ont en partage avec nous. Un soir de mars 2015, dans une petite pièce d’un ancien presbytère de Saint-Nicolas, à Lévis, nous nous sommes cordés à son sujet. Fort heureux étions-nous.

Le poète Nérée Beauchemin (1850-1931), originaire de Yamachiche où il a toujours vécu, l’a chantée un jour.

 

Le vieux parler

Si je parle, à cœur de jour,

Au pays, avec les miens, comme

Au grand siècle tout gentilhomme

Le parlait aux abbés de cour,

C’est… Ains seulement par amour.

 

Ce français vieillot qu’on dédaigne,

Il est natif du haut Poitou

Et d’un lointain Paris itou.

Ces termes, que le chaume enseigne,

Ce sont des termes de Montaigne.

 

Le mot local, très clair, s’entend;

Du puriste il choque l’oreille;

Malgré tout, comme il s’appareille,

Et comme il s’accorde pourtant

Avec la parlure d’antan.

 

L’Habitant, dit-on, baragouine.

L’habitant patoise ? C’est faux.

Il remet au jour des joyaux

Qu’incrustent souvent la patine

Et l’illustre rouille latine.

 

Oyez le parler du hameau :

Il coule comme aux goutterelles

Coulent les sèves naturelles;

Il coule aux lèvres comme l’eau

Des érables au renouveau.

 

Mais que l’émoi d’un cœur l’anime,

Ce vieux français, c’est tout chez nous;

Sous ses aspects âpres et doux,

Ce langage simple et sublime,

C’est toute la patrie intime.

 

Choix de poésies de Nérée Beauchemin, préface de Clément Marchand, Trois-Rivières, Éditions du Bien Public, 1950.

Merci encore à Marie LeBlanc, sœur d’Évangéline, fille de Paul-Émile, Acadien, et de la magnifique Charlotte, pour cette rencontre de mars 2015, et à Véronique Dumouchel pour son accueil dans ce vieux presbytère.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Dans le cadre de la Francofête à Lévis, le soir du 10 mars 2015, ce fut une joie et un honneur de pouvoir s’abreuver des réflexions et des connaissances de Jean Provencher, historien, communicateur hors pair et amoureux de notre langue.

    Jean, tu nous as rappelé l’importance de conserver les joyaux de notre langue venus du 16e siècle en les considérant et en n’ayant pas honte de les utiliser. Tu as mis en valeur les mots qui nous viennent d’un lointain passé et que nous utilisons selon le quotidien et les circonstances de notre vie : tâches de toutes sortes, loisirs, célébrations, fêtes, récoltes, saisons, etc.

    Tant pour les adultes en soirée que pour les enfants en après-midi, tu nous as instruits de l’origine de plusieurs de nos mots et délicieuses expressions. Tu nous as remplis de fierté à l’endroit de cette langue riche et façonnée à notre image et à notre histoire. « On lui fera faire des pirouettes… » comme tu le dis si bien.

    Quel moment significatif pour ceux qui ont profité de cette rencontre avec toi.

    Elle est gravée dans ma mémoire pour toujours!

    La Francofête à Lévis se poursuit en mars cette année. https://www.ville.levis.qc.ca/culture/a-votre-agenda/detail/evenement/417

    Au plaisir de te rencontrer ou de croiser un de tes nombreux lecteurs.

    Cordiales salutations,

    Marie LeBlanc, conseillère à la culture, Ville de Lévis

    8 février 2017
  2. Jean Provencher #

    Ah, chère Marie, ce 10 mars 2015 fut pour moi un des deux grands jours de mon année 2015 ! J’ai tant aimé.

    8 février 2017

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