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L’historien et sociologue français François-Edme Rameau de Saint-Père arrive à Québec en 1860. Témoignage.

Le pittoresque de la vue ne le cède pas à l’importance de la situation. Quelle vive jouissance, d’ailleurs, de retrouver si loin de la France une France nouvelle, où les descendants de nos anciens colons ont conservé pieusement sa langue, sa religion, ses sympathies et pour une grande part ses mœurs. 

On concevra aisément l’émotion vive qui nous tenait sur le pont, les yeux fixés sur ce rocher superbe, dont les pentes escarpées supportent la vieille cité française, obstinément fidèle à son origine et à ses traditions. […]

Dans l’intérieur de la douane, on ne parlait qu’anglais, mais à peine eus-je mis le pied dans la ville, que je pus me croire en France. Le cocher qui me conduisait lançait à ses bêtes les plus impurs jurons du plus pur français ; les noms des rues, les cris publics, les enseignes des marchands, les clameurs des gamins, tout était français, et à peine reposé des secousses du déballage, je me vis entouré des meilleurs amis, parlant dans le meilleur langage la douce langue des rives de la Loire.

Ces amis que je ne connaissais jusque-là par correspondance, combien je les aimai plus encore, quand je pu lire sur leur physionomie toute la cordialité de leurs sentiments et la droiture de leur âme. Les Canadiens ont conservé entièrement intact le type des provinces de l’Ouest de la France ; même accent légèrement traînant sur les syllabes finales ; même modèle d’hommes carrés et un peu trapus, même locutions, même abandon d’affable bonhommie dans la conversation et dans les allures. Que de fois à Québec j’ai pu me croire à Angers ou à Nantes ! En cela, rien qui ne fût très naturel du reste; le Perche, l’Anjou, le Poitou et la Saintonge ont dominé dans le peuplement du Canada, et ces provinces ont exercé une influence majeure sur la formation des mœurs et des habitudes de la colonie

 

La Minerve (Montréal), 23 janvier 1886.

L’illustration est un tableau de l’artiste peintre Ginet Leblond. Celle-ci peint des scènes de la vie d’autrefois sur des panneaux de bois centenaires, des armoires, des coffres, des bancs et divers objets anciens remontant à la période des années 1880 à 1920.

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