L’affolement devant la menace
En 1900, nous ne disposons pas des outils des années 2010 pour voir venir les atteintes à la santé des populations. Les médecins d’alors ne le crient pas, espérant ne pas trop susciter d’inquiétudes. D’autant plus qu’à Montréal, on se souvient de la folle épidémie de variole de 1885 qui fit près de 6 000 morts.
Et voilà qu’on craint le retour de cette maladie qu’on appelle aussi petite vérole ou picote, présente maintenant dans un des grands hôtels de Montréal, le Windsor. Aussi la Ville convoque-t-elle une réunion urgente à ce sujet, le mercredi après-midi 9 mai.
L’échevin Lamarche que nous avons vu dans la matinée a déclaré qu’en présence des bruits qui circulent dans le public, il est nécessaire de savoir à quoi s’en tenir sur tous ces cas de petite vérole.
Il désire savoir quelles mesures ont été prises en vue de la désinfection de l’hôtel Windsor, où deux cas de picote se sont déclarés depuis moins de trois semaines. S’il est bon de cacher jusqu’à un certain point ces cas d’épidémie, il est nécessaire de mettre la responsabilité des échevins à couvert, en interrogeant le Dr Laberge [le médecin en charge du bureau de santé de la Ville de Montréal] et le président Ames sur ce qui a été fait pour arrêter l’épidémie.
Il serait profondément regrettable que des étrangers, nos voisins les Américains, soient atteints de la picote en venant à Montréal et en séjournant dans un hôtel si toutes les mesures sanitaires n’avaient pas été rigoureusement prises.
Dans le cas où tout le monde aurait fait son devoir, il faudra le dire au public, pour tranquilliser le monde des touristes et celui des affaires.
Le Dr Laberge et les inspecteurs du bureau d’hygiène ont passé la matinée à l’hôtel Windsor. Ils ont continué la désinfection de l’édifice et ils ont ordonné de fermer complètement l’étage où s’est déclarée l’épidémie.
La rumeur circulait ce matin que les autorités du Windsor et les autorités civiques avaient résolu de fermer complètement l’hôtel pour quelque temps. Cette rumeur n’a pu être confirmée, mais on a convoqué une assemblée des intéressés pour 2. 30 heures, cet après-midi. Cette assemblée a été convoquée par la commission d’hygiène pour discuter la situation [sic].
Le Dr Laberge croit que, grâce aux mesures rigoureuses qui ont été prises, l’épidémie sera étouffée.
À l’hôpital civique, on nous informe qu’il n’y a aucun changement. On y compte 40 cas de fièvre scarlatine, 7 de diphtérie et 3 de variole. Il y a encore de la place pour quelques malades.
La Patrie (Montréal), 9 mai 1900.
Manifestement, à la lecture de cet article, on sent bien qu’on marche sur un terrain instable.