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L’outarde Cocotte

Outarde un

J’aime beaucoup le journaliste André-Napoléon Montpetit (1840-1898), à la vérité guère connu. Mais il a touché à mille et un domaines et nous a laissé des textes fort intéressants. Dans L’Opinion publique, un mensuel montréalais, des mois de mars et avril 1881, il parle de pêche et de chasse dans la région de Montmagny. Ici, il nous fait découvrir Cocotte, l’outarde domestiquée.

Les appelants artificiels sont des oiseaux fabriqués en bois, que l’on fixe à deux planches liées en forme de croix et auxquels le mouvement de la vague prête une apparence de vie. Ils sont représentés en diverses attitudes, les uns le cou dressé et en éveil, les autres le cou allongé horizontalement comme dans la colère, ou bien plongeant dans l’eau, comme lorsqu’ils cherchent leur nourriture.

Une outarde appelante est restée célèbre dans les fastes de chasse de cette côte [la Côte-du-Sud], c’est l’outarde de M. Baillargeon, frère de feu Monseigneur Baillargeon et riche habitant de l’Île-aux-Grues. Cette outarde, capturée jeune, étant encore piron, avait été admirablement dressée.

Le plus souvent, on la gardait à la maison où elle vivait dans la meilleure intelligence avec le chien et le chat. Elle répondait à son nom, prenait un sensible plaisir aux caresses, se montrant toujours douce, aimable et d’une grande propreté. Il ne lui manque vraiment que la parole, disaient les gens.

Le printemps venu, elle pressentait le retour de ses anciennes compagnes dont les vents du midi lui apportaient les premières émanations. Inquiète et troublée, elle restait de longues heures, le col tendu, l’œil scrutant les profondeurs azurées, et saluait d’un grand cri le premier point noir qui lui annonçait l’arrivée de ses sœurs vagabondes.

À ce moment, si M. Baillargeon jugeait l’occasion favorable, il n’avait qu’à lui dire «Va ma Cocotte» et fière, elle s’élançait dans les plaines de l’air à la rencontre des voyageuses, qu’elle ne tardait pas à ramener sous le plomb du chasseur.

Deux ou trois fois par saison de chasse, M. Baillargeon allait faire le coup de fusil sur la batture du Loup-Marin, à sept ou huit lieues en dessous de l’Île-aux-Grues. Était-il à la gêne dans sa chaloupe, il laissait Cocotte prisonnière à la maison avec instruction de la lâcher lorsqu’on le jugerait loin en route.

Cocotte, qui avait flairé l’odeur de la poudre, prenait son essor, dès qu’on lui ouvrait la porte et se rendait tout droit à la batture. Si les outardes étaient lentes à venir, elle donnait un grand coup d’aile qui la portait parfois jusque vers La Malbaie [sur l’autre rive de l’estuaire du Saint-Laurent], et rarement elle revenait solitaire.

On ne saurait dire les bons coups qu’elle a valus à son maître. En vérité, cette outarde valait mieux que la poule aux œufs ‘or.

 

L’Opinion publique (Montréal), 31 mars 1881.

Et avez-vous remarqué que l’auteur appelle «piron» une très jeune outarde. Or, on dit que dans la Saintonge, en France, on appelle ainsi la jeune oie. Voilà encore un autre mot de notre belle langue française apportée de France.

Sur Montpetit, l’auteur du texte, vous pouvez voir ces billets.

Ci-haut, cette outarde magnifique est une création de l’artisan Pelletier. On n’arrive mal à préciser les initiales de son prénom.

Tete doutardeCorps doutardePelletier signature

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