Nous avons de bien beaux enfants amérindiens
Et cette génération a maintenant décidé de prendre la parole. Il faut tant s’en féliciter. En voici une : Natasha Kanapé Fontaine. Le quatrième de couverture précise : Natasha Kanapé Fontaine est née en 1991 à Baie-Comeau. Innue de Pessamit, elle vit à Rimouski. Poète slammeuse, peintre et comédienne. N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures est son premier livre.
Il me semble avoir lu d’elle cette déclaration, mais je ne retrouve pas la référence : «Ça fait 400 ans qu’on vit côte-à-côte, il serait peut-être temps qu’on se connaisse». Voyons quelques lignes de ce premier ouvrage publié à Montréal, chez Mémoire d’encrier, en 2012.
J’AI PERDU mon nord. La boussole blanche s’est cassée.
Je marche par tes détours, en attendant de fuir.
Inerties.
Bienvenue dans mon corps fatigué, affamé d’un monde parallèle. J’ai oublié la formule qui cassait la brume des îles lointaines.
En échange repose-toi en mon pays dévasté.
Je te préparerais la perdrix, si je le pouvais.
Je susurre en oiseau d’été.
Incantation.
Étouffe-moi de lunes en vision d’alors
dans un tableau de Salvador.
UN LIT d’automne, j’ai lié nos deux corps
nos peuples en désaccord
entravés
dans le même plaisir.
JE SUIS paisible
il n’y a pas de vent
il n’y en a plus.
TROP longtemps
J’ai porté mon canot
en des forêts citadines
mon pays m’appelle
mon pays me revient
j’achève mon exil
pour un retour
tremblant
JE SAIS,
c’était toi
la quiétude
parmi les mots griffonnés
pour toi
nimushum
il n’y a pas de termes
pour implorer le pardon
ta langue est humaine
elle n’est d’aucune rancune
ma complainte est une terre
son peuple effacé.
POSER MA TÊTE sur tes genoux
libérer les rivières
leurs étreintes
fuir enfin parallèle et couronnée
tendresse émancipée
perdue
éperdue éternelle pareille toujours
affamée de tes lunes de jour
disparus les songes des capteurs
me revenir te retenir nous tenir
droit encore loin devant
souvenance perlée de plages infaillibles
tu as pour moi l’épouvante des loups
les chaleurs des étés vains
les forêts mordantes de sourds
nos adieux sans demain
sans secours
poser ma tête sur tes genoux.
La photographie de Natasha de Jean-François Lemire, Shoot studio, apparaît sur le site de la Société Radio-Canada. L’auteure gagnait le Prix de la Société des écrivains francophones d’Amérique avec cet ouvrage.
Très beau cette littérature qui nous viens des âmes de notre nord à nous. À lire nu pieds
Cela me réjouit de voir nos beaux jeunes Amérindiens prendre la parole.