Protégeons nos facteurs !
Un Montréalais ne peut plus se taire. Il n’en revient pas de leur sort.
Monsieur le rédacteur,
Il est certain qu’on refuse tout soulagement à ces malheureux, dont plusieurs ont déjà succombé à la fatigue de marches excessives.
Non seulement l’administration manque d’égards pour un grand nombre de ses employés, on serait porté à croire qu’elle manque d’humanité.
Pourquoi refuse-t-elle d’augmenter leur nombre ? L’administration serait bien embarrassée si quelqu’un lui demandait de vouloir bien expliquer un tel refus. Elle a contre elle la raison, le bon sens, l’habileté de ses meilleurs fonctionnaires dont elle arrête les efforts.
Depuis environ dix ans, la ville a fait des progrès énormes; sa superficie s’est développée, sa population s’est agglomérée, condensée, superposée, d’une merveilleuse façon; les correspondances sont devenues presque trois fois plus abondantes et plus fréquentes qu’elles n’étaient autrefois.
Aux yeux de l’administration, cela importe peu; ce sont toujours les mêmes conduits de distribution; toujours le même pitoyable petit groupe de facteurs; on se contente d’en remplir les vides causés par un profond dégoût du métier; ou — cela arrive quelquefois — par une mort qui se produit tout à coup à la suite de violents surmenages.
Ce sont toujours les mêmes victimes que l’on condamne à la distribution d’un volume effrayant de matières postales. N’est-ce pas que cela est absurde, que cela est brutal et que cela est enfin capable de faire monter l’indignation aux lèvres de tout homme qui se sent de l’honneur !
JEAN LORRAINE.
La Patrie (Montréal), 18 février 1905.