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La vie traditionnelle québécoise avait toutes les couleurs

Ouverture, vulve

On s’est longtemps méfié, par exemple, des jeteurs de sorts, les «j’teux d’sorts» disait-on. Quelle engeance !

Comme notre belle langue du 16e siècle, celle de la Renaissance, de Rabelais et de Montaigne, on a sans doute apporté de France, dans le bateau, la croyance en de pareils personnages.

De Nicolet, F. H. St-Germain nous renseigne au sujet de ces «étranges». Autant se prémunir avant même la rencontre d’un premier.

Il fallait toujours se défier des jeteurs de sorts, qui souvent faisaient leur apparition, et toujours au moment où on s’y attendait le moins.

Je dis qu’il fallait toujours être sur le qui-vive; aussi, par prudence, on ne devait jamais répondre à quelqu’un frappant à une porte : entrez, mais dire : ouvrez, se réservant par là la faculté, si la personne entrant n’était pas au goût du maître de céans, de lui enjoindre de laisser de suite la place.

Il est vrai que l’on avait des moyens infaillibles de déjouer les maléfices, entre autres, celui de faire bouillir des aiguilles, ne manquait jamais, disait-on, de réussir, sinon à amener l’auteur à faire amende honorable, au moins à le réduire à l’impuissance.

Ces sorciers avaient, disait-on, le pouvoir de faire boiter les chevaux, faire tarir les vaches, changer le beau, le bon pain de ménage, en roche, rendre les personnes, surtout les jeunes filles, inconscientes.

Les pauvres jeunes filles, savez-vous, amis lecteurs, qu’on leur faisait exécuter des choses horribles ? On avait vu la fille ainée de Louison Charli, disait-on, être comme une mouche, marcher la tête en bas, les pieds au plafond. Elle était resté sous l’empire de ce maléfice pendant des semaines et des mois, jusqu’à ce qu’un jour qu’elle était plus que jamais sous la férule, on pourrait dire, de son démon, qui, disait-elle, était tout près, on lui enjoignit de frapper son mauvais génie avec un couteau à boucherie qui était à la portée de sa main, ce qu’elle fit à l’instant en disant : victoire ! je l’ai frappé, le sang coule à flots.

Aussitôt la jeune fille s’endormit d’un sommeil paisible; elle était délivrée pour toujours de son sort; quel bonheur !

Le lendemain de cette délivrance mémorable, deux voisins étaient à se raconter que le soir précédent, vers dix heures (heure qui coïncidait avec celle où la jeune fille avait frappé son fameux coup de couteau), un homme tout à fait inconnu était entré chez l’un d’eux, ayant la cuisse percée par un coup de couteau, et demandant à faire panser sa plaie, ce que l’on se garda bien de refuser; aussitôt le pantalon réparé et le pansement terminé, l’inconnu partit sans dire bonsoir, ce qui était très étrange et pour ainsi dire inouï, et jamais, jamais, on ne le revit.

 

Voici la référence à cet écrit : F.-H. St-Germain, Charles Héon, Fondateur de la Paroisse de Saint-Louis de Blandford, Premier colon du comté d’Arthabaska, Mœurs, coutumes, Épisodes de la vie d’autrefois (Arthabaska, 1905, 223 pages).

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