Les haïkus de femmes innues
En 2009, Francine Chicoine organise à Baie-Comeau, un Camp Haïku. À cette occasion, elle rencontre trois femmes innues, du peuple autochtone de la Côte-Nord, auparavant connu sous le nom de Montagnais : Louise Canapé, Shan Dak (Jeanne d’Arc Vollant) et Louve Mathieu. Quelques semaines après le camp, elle leur propose la rédaction de haïkus qui pourraient faire l’objet d’un livre.
L’ouvrage paraît finalement aux Éditions David, à Ottawa, en 2012 S’agripper aux fleurs. Comme le dit le quatrième de couverture, ce recueil est empreint d’une saveur typiquement autochtone. «Des mots tendres témoignent de l’admiration vouée aux ancêtres; des mots drus disent les frustrations, les abus, les blessures à l’âme, le désarroi.» Voici des extraits de chacune des trois auteures.
LOUISE CANAPÉ
Les objets sacrés
Étalés sur un tapis
Attente du rituel
Réserve autochtone
Pouvoir entrer n’importe où
Sans frapper
La rue est aux jeunes
Une auto zigzague
Pour les éviter
Fête de sainte Anne
Ce port de tête des femmes
Au chapeau perlé
Jeune fille assidue
À l’école Uashkaikan
Huitième mois de grossesse
Des hommes
Caisse de bière à la main
Premier jour du mois
Dernière nomade
La babiche entre ses doigts
Devient raquette
SHAN DAK
Après tant d’années
Des pas hantent encore ses nuits
Pensionnat indien
Tente de sudation
Avant d’entrer dans la noirceur
Se dépouiller
Veillée funèbre
Cornées par l’enfilage des perles
Les mains de grand-mère
Le tambour sacré
Du guérisseur innu
Je l’entends encore
La vie en ville
Des objets traditionnels
Plein la maison
Thé du Labrador
L’odeur de la toundra
Dans ma tasse
Paiement d’épicerie
Sortir sa carte indienne
Devant tous ces Blancs
LOUVE MATHIEU
Carcasse de hibou
Le vieil Innu se penche
Pour une plume
Soir d’été indien
Durant Star Académie
Personne dans les rues
Mines à ciel ouvert
De jeunes Innus se chamaillent
Pour un pneu rouge
Musée autochtone
Entouré d’objets anciens
Le guide et son iPod
Épicerie du mois
Faire semblant d’être blanche
À la caisse de Walmart
Dépanneur du coin
La vieille parle encore
Du temps de la chasse
Pause-café
Expliquer encore une fois
La couleur de ma peau.
L’immense talent de quelques mots pour décrire tout un univers.
Avec ce billet-ci, vous trouvez six billets sur les haïkus sur ce site.
Quel titre magnifique !
Inspirant ces haïkus !
Sous la jupe des nuages
Tendresse, pensées
Pour ces femmes s’agrippant aux fleurs
Parce que la vie est sacrée !
Merci beaucoup beaucoup, chère Ode. Ce billet fait un malheur depuis hier et j’en suis tellement content ! Ces femmes sont merveilleuses et pleines de talent, elles savent «nommer»… et tout en couleurs.
Merci Merci! Je découvre ce billet. Un bonheur. Je note. C’est magnifique.