La lecture pour nos longues soirées d’hiver
Les interminables soirées de notre hiver seraient un véritable bienfait si, comme la belle dame sortie du crayon de notre dessinateur, chacun et chacune les passait à lire de bons livres et des livres bien écrits, naturellement.
Qu’y a-t-il, en effet, de plus agréable, pour un esprit avide de connaissances nouvelles ou simplement désireux de se délasser, que de lire en paix, dans la tiède atmosphère d’un «home» confortable, aux heures où le seul bruit, au dehors, est le tintinnabulement des clochettes ou des grelots qui annonce le passage de quelque traîneau ?
À lire, l’homme oublie vite ses préoccupations, ses soucis et même ses souffrances.
Et tandis que d’autres perdent leur temps en de frivoles distractions dont le souvenir sera, le lendemain, un surcroît de fatigue, sinon en des plaisirs malsains qui, peu à peu, brisent le corps et anéantissent l’âme, le liseur accumule des réserves de force morale et physique, tout en meublant son esprit.
Mais attention à vos lectures !!!
Il est préférable pour la généralité des jeunes filles et des femmes de ravauder des bas ou de tricoter que de faire de la lecture exclusive des romans à sensation un passe-temps favori; et le jeune homme qui recherche les ouvrages grossiers, les récits d’aventure scandaleuses de certains écrivains sans conscience, aurait tout intérêt à renoncer à la lecture pour se livrer aux joies du hockey ou du patinage. […]
Mais si la lecture des bons livres est une chose de la plus grande utilité, elle n’est malheureusement pas toujours facile dans nos campagnes où les bibliothèques publiques font souvent défaut.
Dans certaines parties des États-Unis, on a établi des bibliothèques circulantes — dont nous avons déjà parlé dans «La Patrie» — qui ont obtenu un vif succès et rendent des grands services.
Sur réception d’une somme très minime, des séries de volumes sont expédiées au loin, du bureau principal, aux bibliothécaires de clubs de lecture, et échangées à volonté.
Nombre de «cow boys» se sont empressés de former des clubs et, dans leurs solitudes, la lecture est maintenant pour eux une distraction qu’ils apprécient de plus en plus.
Dans les petites villes, dans les villages de notre province, dans nos régions de colonisation, dans les chantiers, où le jeu de cartes, les contes plus ou moins graveleux et la pipe sont à peu près les seules récréations permises aux gens honnêtes, comme elles seraient les bienvenues, ces bibliothèques circulantes !
Quel est le Carnegie qui nous en donnera ?
La Patrie (Montréal), 7 janvier 1905.