Un quidam fort heureux du temps qu’il faisait hier
Ce billet, de Joseph-Damase Chartrand, intitulé «Chant d’hiver», paraît dans le quotidien La Patrie (Montréal) du 2 janvier 1902.
Eh ! bien, était-il assez rayonnant ce premier janvier, et pouvait-on réellement, pour un beau jour d’hiver, imaginer quelque chose de plus parfait ? Un soleil éblouissant dans un ciel d’un bleu absolu, un froid vif et sain, des routes durcies à souhait pour le plaisir des courses en «sleigh», que fallait-il de plus pour rendre heureux et dispos tout bon Canadien qui sait apprécier tout ce que son pays peut lui présenter d’agréable en ses beaux jours ?
Avez-vous remarqué, surtout, avec quel enchantement de tout l’être, au bout de quelques minutes de marche, on se sentait vivre et respirer dans cet air extraordinairement limpide où tous les objets figuraient, comme sur un décor de théâtre, avec leurs arêtes vives et tranchées.
Qu’on vienne, après cela, nous parler de la lumière épandue dans la baie de Naples, ou de l’enchantement des tropiques. Ah ! bien, nous avons de tout cela à revendre ici, et n’eussions-nous même, de décembre à mars, que deux ou trois journées comme celle d’hier, cela devrait suffire, à la rigueur, pour nous réconcilier avec notre long hiver.
En quelques mots bien vibrants d’amour pour son pays, M. Chartrand nous parlait, l’autre jour, du symbole figuré par la configuration géographique de la province de Québec qui, sur une carte, nous dit-il, rappelle assez bien une tête de femme ou de déesse. C’était là un moyen ingénieux de nous inculquer l’orgueil et la dévotion du sol natal.
À notre tour, nous estimons qu’il ne faut laisser perdre aucune occasion, si minime soit-elle, de donner un coup de main à cette œuvre de patriotisme, et quand un pays peut présenter des conditions climatologiques aussi parfaitement et idéalement réussies que celles qui nous ont été données, hier, pour faire nos visites du Jour de l’An, ce devrait être presque un crime que de ne pas en parler.
La photographie fut prise le 5 janvier 2013. Nous n’en sommes pas là aujourd’hui.