Le passage du temps
Il est certain que, bien avant le poète romain Virgile, de nombreux humains l’ont dit : Que le temps fuit ! En voici un autre, anonyme, en 1900, de la région des Bois-Francs, qui le chante à son tour.
Pensées d’automne.
L’été vient de finir et nous voilà bientôt au seuil de l’hiver. Les vacances, fécondes en amusement multiples, sont passées. Et qui dirait les souvenirs semés de part et d’autres durant ces beaux jours ? Voyez cette colline charmante, couronnée d’arbres au riche feuillage; elle semble préparée tout exprès pour être la scène gracieuse des premières confidences de deux jeunes cœurs. Hier, en effet, elle était le berceau naissant. Et ces tours poétiques en esquif, faits à la faveur d’une nuit délicieuse, où l’on se glisse sur l’onde comme suspendu entre «deux firmaments».
Mais les touristes hardis, les gens du sport, les jeunes cœurs enthousiastes des voyages à la campagne sont presque tous rentrés à leurs foyers pour y prendre les quartiers d’hiver. Comme le temps fuit vite ! À peine y a-t-il deux mois que ces privilégiés se promettaient mer et monde et déjà tout est fini.
Mais que dis-je ? L’automne avec son ciel grisâtre, ses soirs tantôt splendides, tantôt mélancoliques, nous réserve bien d’autres moments de bonheur. Et l’hiver ne laissera pas que de nous ramener son cortège de plaisirs.
Ainsi passent les années. Le monde, sans trop songer à ce qu’il fait, ni se soucier que le terme de sa course soit rapproché ou non, s’amuse et se réjouit. Et, un bon jour, sentant ses forces décliner et ses ardeurs s’éteindre, tout étonné, il se dit : comme le temps a vite passé !
L’Écho des Bois-Francs (Arthabaska), 10 novembre 1900.