Canadiens et Français sont-ils de la même race ?
Il y a un peu plus de 100 ans, on cherche à se dépatouiller avec la notion de «race». Qu’est-ce donc qu’une race ? Et on se lance, convaincu qu’on a la réponse juste, alors qu’en fait les arguments sont absolument minces, qu’ils frisent le sophisme sous des apparences de vérité.
Ici, tout d’abord, il faut savoir que l’appellation de «Canadien» est celle qui remonte au Régime français. Canadien, au Canada, est celui qui parle français, les personnes s’exprimant en anglais étant des Anglais.
Dans un texte non signé intitulé «Les Canadiens sont-ils une race ?», le chroniqueur écrit :
Pendant que le climat, la nature du sol accidenté ou uni, les conditions hygiéniques agissent sur le physique pour créer un type de peuple, de race, un type physique à part, les mêmes influences climatériques ont aussi un effet sur l’intelligence, sur le cœur. De là vient que la multitude d’hommes originaires d’un même pays constitue une race. […]
Les Canadiens appartiennent sans doute à la race française par droit de naissance, mais n’ont-ils pas quelque chose de particulier qui les distingue des Français de France ?
Le climat froid du Canada, les forêts immenses ou plusieurs générations ont mené la vie du pionnier, le contact avec les Anglais, etc., ont imprimé au Canadien une direction un peu différente de celle que suivent les cousins de France.
Le Français de France, par exemple, est très attaché au sol qui le voit naître; il n’est pas voyageur. Et les Canadiens ont tous dans les veines un peu de ce sang du coureur des bois, toujours à la recherche d’émotions nouvelles, toujours tentés d’aller voir l’inconnu.
Le froid a glacé bien des ardeurs; le contact avec les Anglais a tué la vivacité qui fait comme le fond du caractère français. Les Canadiens sont généralement plus froids, moins ardents, moins enthousiastes que les Français.
On pourra multiplier les exemples qui prouvent que le type français a subi au Canada des altérations notables au point de vue intellectuel et moral. N’est-ce pas suffisant pour affirmer qu’une race nouvelle est née, que la race canadienne a droit à un nom à part, tout comme la race anglaise, la race germanique, etc., etc.
Au reste, que les Canadiens constituent une race ou une nationalité, ils sont bien vivants, bien distincts des Français et il faut être logé dans l’Olympe pour confondre les uns avec les autres.
La Patrie (Montréal), 13 novembre 1903.
La photographie ci-haut montre la maison où logeait l’Association Québec-France, à Place-Royale, à Québec.