Skip to content

Annette rive son clou à Monsieur Fred

Annette a FredOn ne sait trop ce qui s’est passé, mais elle perd patience, Annette.

Et elle entreprend d’écrire à M. Fred le 2 septembre 1890. Deux jours plus tard, étonnamment, Le Nord de Saint-Jérôme reproduit sa lettre. Ô la la. Une histoire sans doute très locale. Et elle écrit bien, la diablesse.

Monsieur,

Vous ragez. Vous écumez comme un poissard, M. Fred. Un peu plus de calme, s’il vous plaît, reprenez vos sens. D’où vient donc toute cette kyrielle d’épithètes plus ou moins injurieuses que vous lancez à l’adresse de votre amie Annette ? Comment tant de méchanceté et de horions peuvent-ils se loger impunément dans votre charmant et… petit corps ?

Par ce temps désagréables de pluies froides et continues, de vents à écorner les bœufs, moins furieux que vous, vous courez le risque de vous entrouvrir vos petits flancs ! Pour éviter toute semblable catastrophe, je vous conseille la lecture réfléchie de la fable «La grenouille, etc.» Vous la connaissez, celle-là, et elle est bonne, n’est-ce-pas ?

Votre impudence vous rend sceptique. Ne voilà-t-il pas que vous doutez de mon sexe ? Pourquoi ne me demandez-vous pas si je suis de chair ou de poisson ? Du doute ridicule à l’indélicatesse et à la sottise, il n’y a pas la longueur de votre petit pied mignon !

Fred, mon beau petit toutou, je suis fille et non garçon, et ne vous en déplaise, je porte culotte et veston. Ce dernier aveu vous portera peut-être à m’accuser de pruderie, mais, bonne sainte Catherine, quand on est exposé à subir les importunités de votre cœur de vingt ans, plein de rêves et de chansons, et à vous coudoyer à tous les détours de nos boulevards, je considère que c’est de la prudence !

Que parlez-vous de Vil jupon ? Ça n’est pas gentil, mon petit amour de Fred. Qui pourrait dire combien de fois vous vous êtes plu à vous prélasser sur ses bords pour roucouler bien tendrement et bien bas des mots pleins d’un saint scrupule et d’un fol amour. Vos petits ronflements entrecoupés de mille et un soupirs fiévreux rendaient jaloux le gentil matou d’à côté.

Vous admettez que vous avez écrit votre avis anodin du 7 août dernier, sans intention maligne et sans prétention aucune et dans le seul but de trouver un remède à un mal. C’est un aveu superbe qui démontre naïveté.

Eussiez-vous écrit votre avis avec intention maligne, que le résultat eut été le même. Ne soyez pas trop présomptueux, M. Fred. Quant à dire que vous l’avez écrit sans prétention aucune, je diffère complètement d’opinion avec vous. Vous visiez à l’esprit et vous n’avez atteint que le ridicule. Et dans le seul but de trouver un remède à un mal, dites-vous, allons donc. Nous sommes plus sains de corps que vous d’esprit et partant notre position moins désolantes. Gardez vos pilules !

Adieu,

«Annette»

Ste-Scholastique, 2 sept. 1890.

 

Il n’y a absolument rien lié à Fred et Annette dans l’édition du 7 août du journal Le Nord. Mais, mais, mais.

Dans les numéros suivants du journal Le Nord, il y a débat entre Annette et Fred, deux correspondants du journal à Sainte-Scholastique, aujourd’hui Mirabel. Et, dans le numéro du 28 août, on apprend d’où vient la volée de bois vert d’Annette. Extraits de ce que Fred lui écrit :

Mademoiselle Annette, on dit en certains quartiers que vous n’êtes qu’une vieille fille, une dulcinée sans héros, dont le sweet sixteen est fané depuis longtemps et dont les jours passent tristes et moroses comme des soirs d’automne; on ajoute même que vous êtes devenue morose et acariâtre depuis que Catherine la sainte abrite vos tresses incolores sous les ombres de son hideux bonnet.

 En d’autres lieux, on est plus perspicace; on suppose que vous êtes un homme, portant d’ordinaire faux-col et veston, et que vous vous êtes affublé momentanément d’un vil jupon pour mieux tromper les coups donnés et en rendre l’origine méconnaissable.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS