Le temps des voyages
L’été pour les citadins assez bien nantis est le temps des voyages. Dans Le Sorelois du 4 juin 1880, un quidam plein d’humour leur conseille d’ailleurs de voyager.
L’époque des voyages.
C’est le temps des voyages, cette bonne chose qui consiste à changer de ciel, à changer de résidence, à changer d’habitudes, d’entourage, de mise en scène, de langage; à escalader la montagne après s’être lassé des routes de la plaine, à s’asseoir au bord des ruisseaux après s’être couché sur les bruyères, et surtout à se perdre dans les forêts après avoir épuisé la monotonie des rues de la ville.
Les chemins de fer.
Parcourez maintenant les stations de chemins de fer ou les débarcadères des bateaux à vapeur. Quel mouvement ! quelle activité ! Comme la foule se presse, comme les voitures chargées de malles et de voyageurs arrivent à la file ! C’est le mouvement d’une fourmilière sur laquelle est tombée une chenille; on va, on vient, on s’agite, on se pousse et, au dernier coup de sifflet ou de cloche, la vaste machine se met en mouvement emportant une population toute entière.
Le chemin de fer, je l’avoue, est une détestable chose, la chaleur vous étouffe, quand le soleil ne vous y cuit pas, et à coup sûr la fumée et la poussière vous y suffoquent. C’est une apoplexie continue. Mais il a du moins un grand, un immense mérite, il conduit quelque part. C’est assez exiger de lui.
Les bateaux à vapeur.
Le bateau à vapeur de jour est beaucoup préférable; mais il est fort rare dans un pays où voir la nature, admirer les paysages et respirer l’air sous une tente est considéré comme une perte de temps. Time is money.
C’est toujours juste en affaire et souvent en voyage. On voyage donc de nuit, on dort; on ne voit rien des lieux par où l’on passe, mais on ne perd pas de temps.
Pour les esprits contemplatifs, il ne reste qu’une ressource; allumer un cigare et examiner la lune, si lune il y a. À défaut d’une lune, on a encore les étoiles, ces petites étoiles qui pour les savants sont des mondes et pour nous des verts luisants. Mais il n’est que des poètes solitaires qui s’en préoccupent et ces heureux mortels sont les seuls qui puissent se suspendre à un fil de la vierge et grimper au ciel sur un rayon pour accrocher une chevelure de reine au train nomade d’une comète.
Bon gré, malgré, il faut donc essayer de dormir à bord, et arriver en rêvant qu’on n’est pas parti; c’est ce que je me propose de faire, tout en vous souhaitant le
BONSOIR !!