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Le retour des beaux jours !

tendresse verte

Ainsi La Patrie s’adresse aux Montréalais et y va de cette «une» le samedi 29 avril 1905.

Voici enfin le Renouveau de retour, avec un retard de plus d’un mois — il neigeait encore il y a quelques jours — après avoir vaillamment lutté contre les montagnes de neige et de glace sous lesquelles, depuis des mois, l’herbe des champs et l’élément liquide étaient ensevelis.

La nature sort peu à peu de sa longue torpeur, la sève monte dans le tronc des arbres, on voit les bourgeons poindre aux branches, les oiseaux font entendre leurs trilles joyeuses, bientôt les papillons, aux brillantes mais éphémères couleurs, butineront dans la corolle des fleurs épanouies, et les hirondelles accrocheront leurs nids aux angles des granges.

Alors les citadins que la Fortune a favorisés de ses dons précieux déserteront l’asphalte et le pavé pour les grèves où les algues marines étirent leurs longs filaments sur les sables et les cailloux blancs; pour les hameaux ombreux et paisibles où, tandis que mijoteront les pauvres diables dans la fournaise des villes, ils se referont l’estomac et les poumons fatigués par les fêtes et les soirées de l’hiver défunt.

Voici enfin le Renouveau.

Pour ceux que le destin a rivé sur le rond de cuir, dans les magasins ou les ateliers, ce sont en perspective, les petites promenades sur la Montagne ou à l’île Ste-Hélène, dans la poussière ambiante, déjà menaçante, et les indigestes dîners sur l’herbe roussie, en compagnie de bestioles effrontées qui s’empiffreront gratuitement, et sous un soleil emprunté, pour quelques semaines seulement, au ciel des tropiques.

Ce sont aussi les joyeux pique-niques de corporations : bouchers, laitiers, hôteliers, policemen, typographes, commis, épiciers, etc., et les fêtes qui, chaque année, viennent, à date fixe, jeter un peu de gaieté au milieu de la population montréalaise.

Ce sont les courses, les parties de base-ball, de football, etc., les excursions d’un jour dans les campagnes des environs, ou sur le fleuve…

Tout le monde a salué avec joie le retour des beaux jours, nous pourrions dire le retour de la vie; tout le monde a mis au rancart, avec plaisir, les fourrures, les lourds vêtements d’hiver; tout le monde s’est réjoui de la disparition de la neige, sous les chauds rayons du soleil. Et, cependant, dans quelques semaines, suant, soufflant, ô inconstance, ô versatilité humaine, on pestera contre l’astre brillant du jour et l’on soupirera après le retour de l’hiver.

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