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Arrestation de l’étoile du burlesque américain

mlle de leon

La dame est reconnue pour ne pas porter de sous-vêtements et lancer ses jarretières aux spectateurs. Voilà qu’on l’arrête au moment le plus croustillant. À Montréal, le quotidien La Patrie raconte l’histoire le 30 avril 1909.

Au moment le plus captivant d’une danse spéciale que Mlle de Léon donne au théâtre Royal, la police a arrêté cette personne et l’a conduite au poste de police de l’Hôtel de ville, l’accusant d’avoir été le principal sujet d’une représentation immorale et pernicieuse à la jeunesse innocente qui fréquente le théâtre de M. Sparrow.

Mlle de Léon est à Montréal depuis lundi matin et elle a donné les mêmes représentations tous les après-midis et tous les soirs. Poussant même aux extrêmes l’amour de l’art, elle donnait, affirme-t-on, des représentations à Maisonneuve [une ville voisine de Montréal annexée en 1918], après le théâtre, pour un groupe d’amateurs de cette localité avancée.

On croyait que cette arrestation serait opérée par le chef de police lui-même, mais il s’en est rapporté à deux constables et au lieutenant Eagan pour exécuter cette délicate mission. Les deux constables ont enlevé leur flamboyant uniforme, ont revêtu des habits ordinaires et, coiffés d’un vulgaire melon, se sont placés au premier rang des sièges d’orchestre. De là, ils pouvaient tout voir et ont tout vu.

Nous avons omis de dire que ces deux hommes privilégiés avaient été choisis parmi les nouvelles recrues. Ce qu’ils virent ne saurait se décrire, mais nous tenons d’eux qu’on en avait pour ses cinquante cents et ils ne regrettent pas cette petite excursion dans le domaine de Terpsichore [muse de la danse dans la mythologie grecque].

Mais la morale avant tout. Nos deux policiers montèrent sur la scène au moment le plus palpitant et signifièrent à la danseuse le mandat dont ils étaient porteurs.

Grand émoi dans la salle. Calme complet de la part de Mlle de Léon, qui, paraît-il, est habituée à ce genre d’arrestation et s’en fait une réclame. Saluant d’un baiser sur la joue droite le plus jeune de ses bourreaux, la danseuse se déclara prête à les suivre au poste. Une voiture attendait à la porte et contenait le lieutenant Eagan qui avait dissipé l’ennui d’une longue attente par une discussion avec le cocher de place sur les résultats probables de l’Enquête Royale [un événement dont tout le monde parle alors à Montréal].

Quand ils virent arriver la nébuleuse apparition encadrée des deux constables, ils furent émus à leur tour et lui firent une place dans la voiture ainsi qu’aux deux messieurs qui accompagnaient la prisonnière.

Au poste, Madame Lajeunesse attendait aussi. C’est à son jugement final qu’on soumit la danseuse et c’est son rapport qui va faire preuve devant le recorder. Hier soir, Madame Lajeunesse a bien voulu déclarer aux journalistes que le costume de la danseuse, si léger qu’il soit, était complet.

Les deux messieurs bien mis et le directeur de théâtre, arrivés sur ces entrefaites, se portèrent garants de la comparution de mademoiselle de Léon et celle-ci eut la permission de s’en aller.

Mlle de Léon, la danseuse du théâtre Royal, a comparu ce matin devant le recorder Weir, dans son cabinet particulier. Elle a protesté de son innocence : «Ma danse n’était pas immorale» a-t-elle déclaré.

Sur questions du recorder Weir, elle a ajouté qu’elle était âgée de 22 ans, et était née à Paris. Demain, à 10 heures, sera prononcée la plaidoirie.

Le théâtre Royal a promis de ne pas permettre cette danse à la représentation de ce soir, ni demain soir.

 

Le quotidien montréalais ne reviendra pas sur le sujet.

L’illustration de Mlle de Léon, qui se donne aussi les noms de Millie de Leon et Millie Zonga, apparaît sur le site Ted Hake.

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