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Le parler populaire de France et du Québec

quebec rue des jardins sous la neigeDans La Patrie (Montréal) du 10 octobre 1883, un chroniqueur anonyme vient de relire, après une première lecture vingt ans auparavant, l’ouvrage du caricaturiste français Henry Monnier, Scènes populaires.

Il y a pris beaucoup plaisir et cela le ramène au parler populaire québécois, du moins d’une famille de la région de l’Outaouais.

Ce qu’il y a de similitude entre les scènes de Monnier et celles que nous avons nous-mêmes sous les yeux, entre ce qui se passe en France et ce qui arrive au Canada, chacun peut le dire qui a lu le gai peintre.

Les Canadiens peuvent se reconnaître dans presque tous ses tableaux. Types et langages, c’est presque la même chose. Que la scène se passe à Paris ou en province, nous la connaissons pour l’avoir souvent contemplée chez nous. Il n’y a pas jusqu’à nombre d’expressions vicieuses qui ne soient également propres à la France et au Canada.

Je ne me propose pas de les énumérer ici, encore moins d’en entreprendre une étude comparée. Je n’en veux citer qu’une, que j’ai depuis deux ans dans les oreilles. J’ai fait deux saisons de villégiature dans une des paroisses qui bordent l’Ottawa [la rivière des Outaouais], chez un couple de cultivateurs pas encore sexagénaire qui voit déjà ses arrières-petits-enfants.

Là, dans cette famille, chez les vieux comme chez les jeunes, chez ceux de l’avant-veille comme ceux d’aujourd’hui, vous n’entendez jamais prononcer notre, votre, mais invariablement nout’, vout’.

— Nout’ cheval est blessé à l’épaule.

— Vout’ canot est amarré sous le quai.

Tout comme, dans l’Esprit des campagnes de Monnier, Philogène dit :

— Et vout’ fame, quoi qu’a dit, père Pigochet ?

Et la mère Thomas :

— C’étiont y nout’ faute si défunt mon pauvre homme, quant il étiont décédais, y m’aviont laissé neuf afants tout grouillants.

S’il s’agit du pluriel, on se garde bien de prononcer vos ou nos, c’est vous et nous.

Nous pommiers n’ont guère rapporté cette année.

— Avez-vous mangé vous poissons ?

C’est encore la seule région où j’aie entendu prononcer de la sorte, mais il se peut, certes, que l’on parle ainsi ailleurs.

* * *

De quelle province française sont donc arrivés les ancêtres de cette famille ?

J’ignore d’où nous viennent le nout’ et le vout’, mais un autre détail me donne à croire que l’Auvergne a son mot à dire en cela.

Je devine Saint-Flour et la contrée qui l’environne a cette habitude de convertir dans la prononciation l’s en ch.

Au pays d’Auvergne, on dit cachequette pour casquette.

Or ici, où j’ai habité, un sauvage est un chauvage. On dort sur un chofa. La fleur qui a séché est chesse. Dans une ménagerie, on a vu des chinges. Tel qui pose fait des chimagrées,

À vrai dire, le nombre de ces mots défigurés atteint à peine la douzaine.

 

La photographie fut prise vers 1970 dans le Vieux-Québec sur la rue des Jardins enneigée.

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