La grippe ou le rhume ?

Au début de janvier 1890, la ville de Montréal est aux prises avec ce que certains disent la grippe, d’autres le rhume. Pour en avoir le cœur net, le quotidien La Minerve est allé consulter «quelques-uns de nos médecins les plus éminents et dont la clientèle est la plus nombreuse».

M. le Dr Rottot croit que l’on a confondu des cas de rhumes de cerveau avec la fameuse maladie. Pour sa part, il n’a eu, jusqu’à aujourd’hui, aucun client atteint de la grippe.

M. le Dr Laberge [en charge du bureau de santé de la ville de Montréal] pense que les rapports qui ont été publiés sont beaucoup exagérés, et qu’on prend des maux de gorge pour la grippe. Comment se fait-il, ajoute le chef du bureau de santé, qu’il y ait tant de cas de cette maladie signalés parmi la population anglaise, tandis qu’il n’y en a aucun parmi les Canadiens-Français ?

L’opinion de M. le Dr Brosseau est qu’on exagère au-delà de toute expression le nombre des cas de grippe qui se seraient produits en cette ville. Nous sommes, dit-il, dans une époque de grippomanie. La mode est à la grippe; celui qui ne l’a pas est en dehors du mouvement…… et beaucoup de médecins profitent de cette lubie.

Cependant, M. le Dr Fafard nous assure qu’il a, en ce moment, deux cas bien constatés de la grippe.

Nous avons eu aussi des entretiens avec plusieurs autres médecins des quartiers Saint-Jean-Baptiste et Hochelaga, et aucun d’entre eux n’a eu un client véritablement grippé jusqu’à cette heure.

De tout ce qui précède, nous ne prétendons pas inférer que le Canada soit un pays fermé à la grippe; sous ce rapport, nous admettons — quoique nous n’en soyons pas partisan — le libre échange avec les États-Unis. Mais nous voulons combattre les bruits alarmistes qui se sont répandus, bruits qui sont très malsains — qu’on nous permette cette hardiesse de langage — car chacun doit savoir qu’en temps d’épidémie, ceux qui craignent la maladie en sont victimes les premiers.

L’illustration provient du Bulletin réalisé par les Services aux étudiants de l’ÉST, l’École de technologie supérieure de Montréal.