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Le calembour

affiche de grun sur le calembourQui imaginerait aujourd’hui dans un quotidien québécois un article soudain consacré à ce trait de l’esprit qu’est le calembour ? Voilà bien ce qu’on trouve dans La Patrie (Montréal) du 5 octobre 1881, un texte repêché du journal français Figaro.

Le jeu de mots qu’on nomme calembour et qu’on écrit avec ou sans «g» est d’origine moderne.

C’est le marquis de Bièvre, ce littérateur qui mit en vers burlesques toute une tragédie : Vercingétorix, qui a créé le mot. Ce célèbre faiseur de mots est mort en 1789. Comme il était le petit-fils de Georges Maréchal, qui était le premier chirurgien de Louis XV, il eut ses entrées aux soirées intimes de la cour et fut recherché pour ses joyeusetés, ses expressions à double sens, pour ses calembours enfin.

Pourquoi le plaisant auteur de Vercingétorix a-t-il inventé l’expression : calembour ? Quelques écrivains ont fait dériver ce mot de l’italien calamajo burlare, qui veut dire : badiner, se moquer avec la plume.

Les expressions à double sens sont en effet très faciles en langue italienne et sont fort piquantes. Le pape Grégoire XVI, Mauro Capellari, qui a occupé le siège de Saint Pierre en 1828, pratiquait bien le calembour et ne manquait pas, quand il se trouvait en conversation familière, d’offrir au visiteur du tabac et des cigares (Grégoire XVI était un grand fumeur) et de l’accueillir par des jeux de mots personnels très flatteurs.

Un jour, se trouvant à une fenêtre du Vatican avec le cardinal de service auprès de sa personne, il vit passer sur la place, en carrosse découvert, la princesse D…, alors dans tout l’éclat de la jeunesse et de la beauté. Le cardinal fit remarquer à S. S. la croix d’or enrichie de diamants qui brillait au cou très décolleté de la princesse : «E piû belle il calvario che la croce», répondit Grégoire XVI en souriant et lâchant une bordée de fumée d’un cigare. «Le calvaire est encore plus beau que la croix.»

Mais voici l’origine la plus vraisemblable du mot calembour. Le marquis de Bièvre avait entendu dire par son grand-père, le docteur Maréchal, qu’il y avait eu à Versailles un certain comte de Kahlemburg, ambassadeur allemand, qui avait fait la conquête des beaux esprits de la cour par son originalité d’abord et par la façon pittoresque dont il parlait la langue française.

Peu familier avec les nuances de cette langue si fertile en équivoques, il commettait des jeux de mots qui avaient un grand succès et que l’on répétait à Louis XIV qui en riait volontiers. Il arriva que la réputation de Kahlemburg se popularisa au point que toute plaisanterie, toute bizarrerie de langage, tout coq-à-l’âne, etc., fut désigné : Kahlemburg. C’est ce néologisme qu’a francisé le marquis de Bièvre en créant le mot calembour.

 

L’illustration de l’affiche de Jules Alexandre Grün provient de la bibliothèque numérique de la New York Public Library et apparaît sur la page Wikipédia consacrée au calembour. Pour bien comprendre cette affiche, il faut savoir qu’en 1900, même au Québec, l’expression «mener quelqu’un au violon» signifie le mener en prison.

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