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Les «feux follets» de Louiseville

feux follets

En ce moment l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) mène une campagne contre les puits de gaz et de pétrole «abandonnés par les compagnies». Elle somme le gouvernement de «mettre sur pied une équipe d’inspecteurs afin de faire une analyse complète des puits de gaz et de pétrole abandonnés sur le territoire québécois». Et le communiqué de l’AQLPA, parlant d’insouciance de nos gouvernements, ajoute : «Pour chacun de ces puits, un plan d’action doit être élaboré afin que cessent des fuites».

Il sera peut-être possible d’identifier l’emplacement des puits de gaz «contemporains». Mais comment retrouver tous ceux qui flambaient dans le dernier quart du 19e siècle ? Car, dans la presse québécoise de cette époque, il ne se passe pas une année sans qu’on apprenne que, soudain, sur la terre d’un habitant quelque part, autant sur la rive nord que la rive sud de la vallée du Saint-Laurent, il est possible de faire flamber un souffle de gaz. À certains endroits, ces feux deviennent même une attraction touristique. On accourt pour en être témoin.

Voici un exemple des articles qu’on nous sert à ce sujet. Il paraît dans un des quotidiens de Québec, Le Canadien, le 30 septembre 1880, sous le titre «Les puits de gaz de la Rivière du Loup».

Hier, le 29, a eu lieu une expérience aux puits de gaz à Louiseville (Rivière du Loup en haut). C’est M. l’abbé Laflamme, professeur à l’Université Laval, qui a fait cette expérience. Il était accompagné de M. Er. Gagnon, secrétaire du département des Travaux publics, et de Cyrille Duquet. Assistaient à l’expérience : M. l’abbé Forcier, M. Ed. Caron, M. P. M. le Dr Done, H. Mineau, agent du chemin de fer du nord, M. Arthur Gagnon, secrétaire de l’Assurance Royale canadienne de Montréal, et un grand nombre de personnes marquantes de la paroisse.

L’expérience a prouvé que les puits de la Rivière du Loup dégagent une quantité très considérable de gaz d’éclairage (carbure d’hydrogène) de bonne qualité. On affirme que ces puits sont pratiquement inépuisables, et qu’ils fournissent assez de gaz pour éclairer et chauffer Montréal et Québec et alimenter toutes les fabriques du pays.

Il y a plusieurs de ces puits dans les environs du village; le principal se trouve à sept arpents de la gare du chemin de fer. Dans le champ où se trouvent ces puits, il y a des fissures dans la terre d’où le gaz s’échappe. En y appliquant une lumière, la flamme s’élance à une hauteur de trois ou quatre pieds [un peu plus d’un mètre].

Les expérimentateurs ont rempli plusieurs sacs de gaz, car la pression est très forte. M. Laflamme a transporté un de ces sacs à Québec; un autre a été envoyé chez M. le curé de Louiseville où l’on s’est éclairé au gaz hier soir.

Les anciens disent que ces puits à gaz existent depuis un temps immémorial; on les appelait des feux follets.

 

J’aime beaucoup les préoccupations que nous avons pour la qualité de notre environnement. Mais, manifestement, il va falloir se lever bien de bonne heure pour identifier toutes les manifestations gazières le long du grand fleuve, ces «fissures dans la terre d’où le gaz s’échappe». Depuis longtemps, le Québec, le long du Saint-Laurent, est une terre de fuites gazières, compagnies ou non.

Voir cet article du quotidien Le Soleil du 31 août 2014.

L’illustration est tirée de l’ouvrage de Louis Cousin-Despréaux, Les leçons de la nature présentées à l’esprit et au cœur, Tours, Alfred Mame et Fils, 1885. Merci à mon bouquiniste Michel Roy pour le prêt de cet ouvrage.

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