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Monsieur, tout sur votre panama

Vous vous baladez, bien fier de votre galurin. Mais vous en ignorez les secrets. L’Album universel du 23 août 1902 vous révèle tout.

Puisque ces messieurs poussent l’engouement jusqu’à payer vingt-cinq, quarante et même soixante et quinze dollars pour des panamas, question de se protéger le sinciput contre les ardeurs du soleil, nous avons cru qu’ils se payeraient aussi la curiosité de connaître l’origine de ce luxueux couvre-chef. […]

Le chapeau panama se fait avec la feuille d’un arbuste du genre latanier, famille des palmiers, qu’on appelle «bombonaxa», et qui croît en abondance au Pérou, dans les plaines de l’Équateur, dans les vallées situées à l’ouest de Panama, et près de Veragua. Pour se servir des feuilles du «bombonaxa», on les cueille avant leur entière maturité et l’on enlève les nervures trop saillantes.

Lorsqu’on veut fabriquer un chapeau, on découpe la feuille en bandes longitudinales, avec un instrument armé de deux aiguilles, que l’on rapproche ou que l’on éloigne l’une de l’autre, selon le degré de finesse que l’on veut donner à la paille. On fait subir ensuite un apprêt à ces bandes pour les rendre blanches, souples et fortes, puis on tisse le chapeau sur un billot ou sur une pierre, en commençant par le centre et en allant ainsi jusqu’aux bords.

La plupart des panamas sont tissés par les habitants de Moyohamba. Les enfants fabriquent les plus grossiers; des tisseurs ou tisseuses habiles font les plus fins.

Les panamas sont remarquables par leur légèreté, leur souplesse et leur solidité. On peut, sans inconvénient, les plier et les mettre dans sa poche, et il suffit d’une brosse et d’un peu d’eau de savon pour les nettoyer.

Dans le pays de production, le chapeau panama de moyenne qualité se vend sept ou huit dollars, et jamais, même quand il est fait sur commande et de la plus grande beauté, le prix ne dépasse deux cents dollars.

Mais exportés, ces chapeaux atteignent parfois des prix fabuleux. Ceux qu’on vend à Moyohamba de sept à huit dollars se vendent, à New-York et à Montréal, de quinze à vingt-cinq dollars; ceux de quinze à vingt dollars se vendent cinquante et soixante et quinze; enfin, les panamas de cent à deux cents dollars sont cotés, à New-York, à $400, $500 et jusqu’à $1,000.

Ils ne sont pas rares les millionnaires américains qui portent un «panama» de $600 à $1,000.

Jusqu’à Rochefort lui-même, ce grand-prêtre de la démocratie moderne, qui orne son chef d’un panama de $1,200.

Ajoutons en terminant que les plus beaux panamas sont faits avec la feuille appelée «toquilla», qui sert aussi à fabriquer de très beaux et très dispendieux hamacs.

Le panama est entré dans nos mœurs. Il vivra. À moins qu’il ne soit supplanté par le chapeau à haute forme, en paille d’Italie, que nous annonce un confrère dans les termes suivants :

«À cette époque où les fréquentes fluctuations de la température laissent les Parisiens indécis quant au choix d’un chapeau, l’innovation du baron de Segonzac est digne de remarque.

«L’autre jour, on a vu sur le boulevard Haussman le baron de Segonzac portant un haut-de-forme conventionnel, en paille jaune d’Italie.

«Le président Loubet est renommé pour l’art qu’il déploie à choisir des chapeaux qui deviennent invariablement de mode, mais le nouveau chapeau du baron est également convenable pour cérémonie et pour négligé, et il a bonne chance d’être adopté par les Parisiens.»

Allons-nous assister à une lutte entre le panama et le haut-de-forme de paille ? Qui vivra, verra !

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