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La fenaison

La fenaison

La fenaison

L’agronome Georges Bouchard (1888-1956), fils de cultivateur, né à Saint-Philippe-de-Néri, au cœur du comté de Kamouraska, aimait «chanter» la vie rurale d’autrefois.

En 1926, par exemple, il publie un texte d’une quinzaine de pages dans les Mémoires de la Société royale du Canada, Les petites Industries féminines à la Campagne. Extraits, à l’occasion bien ampoulés et tentés de verser dans le «pompier», sur le temps des foins, consacré à la première récolte importante de l’été.

Retournons si vous voulez 30 ans en arrière […], retournons donc à la fin du siècle dernier pour envisager la situation de nos foyers ruraux. […]

C’est surtout à l’époque des foins que l’aspect des champs devient ravissant. Au milieu d’un décor de verdure et de fleurs sauvages qui sentent bon, vous voyez la fermière, une fourche de bois à la main, qui secoue et étend les andains abattus par le faucheur.

Coiffée d’une capeline d’indienne aux couleurs brillantes ou d’un large chapeau de paille cabané sur les oreilles et assujetti par des «gorgettes» de batiste rose, la gentille fermière renouvelle son geste à l’infini. Ses pieds mignons glissent sur les chaumes ras, qui font un tapis d’une uniformité remarquable, pendant que ses bras actifs soulèvent le foin qui cède à l’air son humidité et son parfum.

Toute la maisonnée a été mobilisée aux champs pour la fenaison, même le petit dernier qui dort à l’ombre d’un vaillotte, entre deux repas.

On poursuit le travail sans relâche sous un soleil de plomb jusqu’à ce que le clocher égrenne à travers la campagne les notes de son pieux Angelus de midi. Les fermières s’inclinent pieusement et se groupent ensuite sous une talle de branches recouvertes de foin, pour prendre leur dîner rustique.

Le couvert est servi sur une nappe de foin et les mâchoires entrent en activité jusqu’à l’asservissement de la faim. Les langues se délient sans effort pour jeter les notes d’une conversation enjouée sur ce beau tableau de la vie rustique.

Le travail reprend. Un râteau à la main, deux fermières entraînent vers la charrette le foin qui déferle en ondes légères et parfumées.

Sur le voyage de foin qui s’élève progressivement, une autre, debout, reçoit les fourchées qui se font drues et s’agrippe à la grande échelle, pendant que la charrette cahotte à travers les rigoles.

C’est un mouvement incessant de râteaux, de fourches qui remuent du foin odoriférant dans une féérie de la nature dont le charme est inappréciable.

Quand le soleil incendie le sommet des monts de ses derniers rayons, les fermières agitent des fourches et des râteaux autour des veillottes dont le dôme gracieux va maintenant défier les mauvais temps.

 

La fenaison, une gravure d’Edmond-J. Massicotte, parue dans L’Album universel du 22 août 1903, fut aussi publiée sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Foin – Récolte».

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Esther #

    « La gentille fermière » et « ses pieds mignons »… Je ne peux réprimer un certain sourire…

    Me reviennent en mémoire tous ces passages de monsieur Bouchard que j’ai lus et relus chez mes parents… chantant la « féérie de la nature dont le charme est inappréciable. »
    Il me semble un instant me retrouver devant un texte de mon livre de français de 4e ou 5e année, texte posé au début d’un chapitre qui se terminait immanquablement par une poésie qu’il fallait mémoriser… Dans ma candide tête d’enfant, je ne voyais que la beauté et la simplicité de cette manière de vivre. Bien loin de me douter des dessous rudes et exigeants qui était le lot quotidien de ces gens !

    8 juillet 2014
  2. Jean Provencher #

    Ma mère, qui n’était pas fermière cependant, avait de gros pieds ronds et elle me les a donnés, ma foi. Comme quoi, les dames n’ont pas toutes des pieds mignons.

    J’ai connu ce Bouchard seulement quand je faisais la recherche pour mon ouvrage «Les Quatre Saisons dans la vallée du Saint-Laurent». J’ai aimé «Vieilles choses, vieilles gens» qui n’était pas pompier comme ici, il me semble.

    8 juillet 2014

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