Tiens, tiens, ça ne date pas d’hier, dites donc !
Le Québec, comme beaucoup de pays de l’hémisphère nord d’ailleurs, est aux prises avec le débat des gaz de schiste, et la «fameuse» fracturation pour aller le chercher. Il y a plus de 100 ans, on espère ce gaz, mais la technique des sondages est beaucoup plus simple.
Le 22 juin 1895, dans L’Écho des Bois-Francs, un chroniqueur, aux initiales de V. G., exulte.
Je viens d’apprendre une bonne nouvelle que je m’empresse de communiquer aux lecteurs de l’Écho. […] C’est la reprise des travaux de sondage à la recherche du gaz sur le terrain du séminaire à Nicolet (…) qui avaient été interrompus l’automne dernier, par défaut d’hommes compétents et d’outillage.
Les sondages étaient alors rendus à un profondeur de cinq cents et quelques pieds, lorsqu’un succès partiel des plus encourageants, c’est-à-dire un dégagement de gaz assez considérable, vint dissiper toutes les inquiétudes possibles au sujet de l’existence du gaz dans cette région. On appliqua l’allumette et, du coup, une puissante lumière précédée d’une légère détonation annonça que Nicolet était pour la première fois éclairé au gaz. […]
Pour moi, il n’y a pas de doute que nos amis de Nicolet devront finir par trouver ce qu’ils cherchent : du gaz en quantité suffisante pour éclairer la ville, la chauffer au besoin et produire la vapeur qui met en mouvement ses diverses manufactures.
C’est l’opinion des géologues du pays, entr’autres celle de Mgr Laflamme, exprimée il y a dix ans lorsque les sondages entrepris à St-Grégoire, et sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir, éveillèrent l’attention des hommes de la science et de la finance.
On y prétendait, et avec raison, que d’après les formations géologiques de la côte Sud du St-Laurent, il devait se trouver du gaz naturel combustible à St-Grégoire et à Nicolet, peut-être même du pétrole. […]
Qu’il y ait du gaz naturel combustible à St-Grégoire et à Nicolet, la chose ne fait plus de doute. Les expériences faites dans ces deux endroits l’on démontré. Il reste seulement à savoir s’il y en a suffisamment pour une exploitation payante. Et c’est ce que les recherches qui se poursuivent à Nicolet nous révèleront bientôt.
En attendant, on se demande pourquoi il n’y aurait pas de gaz dans une région plus éloignée du fleuve, sur la côte sud, même à Bulstrode où le terrain superficiel ressemble assez à celui de St-Grégoire ? […]
Ce qu’il y a de certain cependant, c’est que la carte géologique de la province nous enseigne que la vallée du St-Laurent, entre Montréal et Québec, est formée par des calcaires de Trenton, roche qui contient abondamment d’après les données scientifiques des vestiges organiques ou des fossiles provenant de coquillages marins. […]
Je me demande encore une fois, puisque le calcaire Trenton existe au sud du fleuve et que les expériences de St-Grégoire ont confirmé les données de la carte géologique, pourquoi nous ne trouverions pas le gaz ou le pétrole au pied des Alleghanys, dans les Bois-Francs ?
M. Obalski, ingénieur des mines du gouvernement, une autorité en la matière, n’hésite pas à dire que la formation de 50 à 60 milles au sud du fleuve entre Québec et Montréal est apte à contenir du gaz ou du pétrole.
Voilà, certes, des paroles encourageantes.
En 1885, M. le Notaire Poirier, de St-Grégoire, n’avait pas, tant s’en faut, les renseignements que nous possédons aujourd’hui sur cette question; cependant, convaincu personnellement de l’existence du gaz à certains endroits, il se mit à l’œuvre et put bientôt organiser une petite compagnie à laquelle revient l’honneur d’avoir, pratiquement et avec succès, creusé le premier puits à gaz dans la province de Québec.
C’est de cette compagnie dont, entre parenthèse, faisait partie l’un des directeurs actuels de l’Écho, ainsi que de ses travaux, que je m’occuperai dans une prochaine.
Quant à mon ami Poirier, il est décidé, bien décidé, de commencer sur son terrain, près de l’église de St-Grégoire, des sondages pour son propre compte, avec l’outillage qui sert actuellement aux travaux de Nicolet, dès que ceux-ci seront finis.
L’affiche ci-haut apparaît sur un petit édifice près du pont Caron, à Val-Alain, une municipalité du comté de Lotbinière, sur la rive sud du Saint-Laurent.