Maternité pour ratonne
Deux remarques d’abord. 1) Cet article serait à classer dans la série, inexistante pour le moment, «Les aventures de l’Arche». 2) Il faut savoir que la descente extérieure de ma cave est à refaire depuis plusieurs années maintenant. Il m’en coûterait entre 12 000$ et 15 000$. Étant moi-même cousin de Job, le personnage biblique, je n’en ai pas les moyens; aussi je la ferme avec un panneau.
Ce matin, au lever, une grosse journée m’attendait : quatre heures de tonte de la pelouse à la simple tondeuse avec cette chaleur. Mais, avant toute chose, pourquoi ne pas aller ouvrir enfin le soupirail de la cave, histoire de permettre l’aération de ce lieu humide ?
En soulevant la trappe de la cuisine, j’entends «slac», comme un bruit de courroie, prononcé une seule fois. Le raton laveur n’est pas bavard, il ne recourt toujours à ce cri, pas très fort, qu’une seule fois. Ce n’est pas le sifflement de la marmotte qui toujours surprend.
Je connais bien ce cri pour avoir éloigné en pleine nuit une bande de ratons qui prenaient plaisir à jeter par terre mes mangeoires de tournesol.
«Oups, raton laveur à l’horizon.» C’est bien la première fois qu’il s’en trouverait un dans la cave. Je descends les deux premières marches. Le commutateur est à ma droite, j’allume.
Oh là là ! La large planche blanche que j’avais placée devant le soupirail pour y tenir la laine minérale avait été déplacée. Dans la laine, foulée, une pleine fournée de jeunes ratons laveurs, roulés en boule. L’accouchement a eu lieu durant la nuit, ils n’étaient pas là hier soir. Et, manifestement, la dame n’a pas fait grand repérage auparavant, car je m’active au rez-de-chaussée et la pompe, tout près des petits, part à chaque fois que j’ouvre l’eau. L’accouchement pressait.
La mère demeure à distance, silencieuse, me regarde. Le père disparaît après l’accouplement. Aucun petit ne dit mot. L’un d’entre eux se tourne en ma direction pour voir qui se profile. Que faire ? Je remonte et referme la trappe. L’heure est à la tonte. Mais questionnement, il va sans dire.
Un exterminateur ? Il partirait avec la mère dans une cage et les petits dans une autre. Pour les exterminer.
Allez, à la tonte. À ma première pause, l’envie me prend d’aller lier conversation avec les petits. Ils miaulent fort doucement, comme de petits chats. À ma seconde, également.
À ma troisième pause, qu’arrive-t-il ? La planche a été déplacée, posée, ma foi, sur les petits, car je ne vois qu’une seule petite patte dépasser et bouger. J’enlève alors carrément la planche et l’éloigne de là. Je ne vois qu’un petit. Je fouille dans la laine minérale, il est seul. Manifestement les autres ont été déplacés, mais je n’ai aucune forme d’éclairage dans le reste de la cave et j’entends de petits miaulements, comme de satisfaction, derrière la base de la cheminée au centre de la pièce.
Je dois maintenant rentrer à Québec pour deux jours de travail. À ma dernière descente pour fermer la pompe et le chauffe-eau, le dernier petit est toujours là dans la laine minérale. Les mots de A. W. F. Banfield (Les Mammifères du Canada, 1977) me reviennent en mémoire : «Leur vue est bonne, surtout la nuit : leurs yeux brillent alors comme des charbons ardents sous le faisceau lumineux d’une lampe de poche».
Et je ne manque pas de lui dire de ne pas désespérer, lui qui, projeté dans l’existence, semble se questionner sur cet étrange karma.
P. S. Déjà, le 18 juin 2012, j’avais proposé un texte de Jacques Prévert sur le raton laveur, accompagné d’un autre du journaliste Pierre Foglia.
Nous allons attendre votre retour avec impatience pour la suite de ce roman d’aventure de l’Arche !
J’espère bien que la mère ne me laissera pas là avec les petits sur les bras, étant par la suite obligé de m’occuper d’un centre de la petite enfance. Mais les ouvrages disent qu’elle est très maternelle.
La vie est remplie de surprises…qu’on attendaient pas.
Moi aussi, je suis comme Esther, j’attend la suite des aventures de l’Arche.
Les petits sont déjà assez gros avec une belle fourrure. À suivre…
En effet, Belle Acadienne, au moins cinq ou six surprises, roulées en boule, en descendant à la cave ouvrir mon soupirail !