Retour sur les Patriotes de 1837-1838

À la fin du 19^e siècle le souvenir des Patriotes de 1837-1838 est toujours très vif. Le 21 juin 1891, par exemple, à l’occasion d’une «cérémonie imposante», on procède à la translation des restes du docteur Jean-Olivier Chénier depuis le «cimetière des enfants sans baptême» de Saint-Eustache, où reposent avec lui onze autres Patriotes, jusqu’à celui de la côte des Neiges à Montréal. Les habitants de la ville l’escortent jusqu’à la métropole.

À Montréal, au pied du monument des Patriotes, on dépose aussi «au moins soixante-quinze couronnes» en leur hommage, dont l’une portant le nom de De Lorimier «par son petit neveu François-Marie-Thomas, chevalier de Lorimier, ayant absolument le même nom que son oncle».

«Methier, un vieux patriote de 91 ans, a exprimé le désir de présenter une couronne à ses anciens compagnons d’armes. M. L. J. A. Papineau, du manoir Montebello, s’est empressé d’offrir une grande couronne aux Fils de la Liberté.»

La famille Dumouchel a pris l’initiative de faire graver sur le monument des victimes de 1837 le nom des exilés de la rébellion de cette époque :

Exilés des Bermudes

1. R.S. M. Bouchette, Québec
2. R. Desrivières, Montréal
3. H. A. Gauvin, M. D., Beauharnois
4. J. H. Goddu, St-Césaire
5. Siméon Marchessault, St-Charles
6. L. H. Masson, M. D., Beauharnois
7. Wolfred Nelson, St-Denis
8. Bonaventure Viger, Boucherville

Exilés des terres australes

1. Alarie, Michel, Beauharnois
2. Béchard, Théodore, L‘Acadie
3. Bergevin, Charles, père, Ste-Martine
4. Bigonesse Fre. B., St-Cyprien
5. Bisson, Constant, Ste-Martine
6. Bouc,, Chs. Guillaume, Terrebonne;
7. Bourbonnais, Désiré, Beauharnois
8. Bourdon, Louis, Saint-Césaire
9. Bousquet, J. B., Saint-Césaire
10. Chèvrefils, Gabriel, Ste-Martine
11. Coupal Laraine, Ant., L’Acadie
12. Desfayettes, Ls, St-Cyprien
13. Ducharme, Léandre, Montréal
14. Dumouchel, Jos, Ste-Martine
15. Dumouchel, Ls, Ste-Martine
16. Gagnon, David, St-Thimothée
17. Goyette, Jacques, Beauharnois
18. Goyette, Joseph, Besauharnois
19. Guérin-Dussault, Louis, Châteauguay
20. Guérin, F. X., St-Césaire
21. Guimond, Joseph, Châteauguay
22. Hébert, Jacques David, St-Cyprien
23. Hébert, Joseph, Napierville
24. Huot, Chs, N. P., St-Rémi
25. Laberge, Jean, Ste-Martine
26. Lanctôt, Hypolite, N. P., St-Rémi
27. Langlois, Étienne, L’Acadie
28. Languedoc, Étienne, St-Édouard
29. Lavoie, P. M., St-Cyprien
30. Leblanc, David, Napierville
31. Leblanc, Hubert, Napierville
32. Lepailleur, Frs. Maurice, Châteauguay
33. Longtin, Jacques, St-Constant
34. Longtin, Moïse, St-Constant
35. Marceau, Joseph, St-Cyprien
36. Morin, Achille, Napierville
37. Morin, P. H., Napierville
38. Mott, Benjamin, Alburgh, Vt
39. Newcomb, Samuel, M. D., Châteauguay
40. Papineau, André M., Beauharnois
41. Paré, Joseph, Napierville
42. Pinsonnault, Louis, St-Édouard
43. Pinsonnault, Pascal, St-Édouard
44. Pinsonnault, René, St-Édouard
45. Prieur, F. X., St-Timothée
46. Provost, F. X, Beauharnois
47. Robert, Théophile, St-Édouard
48. Rochon, Ed. Pascal, Terrebonne
49. Rochon, Jérémie, St-Vincent de Paul
50. Rochon, Toussaint, Beauharnois
51. Roy, Basile, Beauharnois
52. Roy, Chs., Beauharnois
53. Roy, Joseph, Beauharnois
54. Thibert, Jean-Louis, Châteauguay
55. Thibert, Jean-Marie, Châteauguay
56. Touchette, F. X., Ste-Martine
57. Trudel, J. Bte, Châteauguay
58. Turcot, Louis, Ste-Martine

 

Le quotidien de Québec, Le Canadien, écrit :

Peut-on refuser un souvenir ému, des couronnes de fleurs à De Lorimier, à Cardinal, à Duquet, jugés et condamnés haut-la-main à mourir sur l’échafaud ?

Il est vrai que Mgr Lartigue [l’évêque de Montréal] a condamné la rébellion; il y a eu des actes répréhensibles. Mais les années n’ont-elles pas effacé les souvenirs pénibles pour laisser apparaître plus sereine et plus pure la mémoire des vaillants tombés sur le champ de bataille en croyant sauver leur patrie ?

On rapporte que, durant un voyage qu’il fit à St-Jean, quelques années après la rébellion, Mgr Lartigue alla rendre visite à Madame Duquet, la mère inconsolable de Joseph Duquet, la plus jeune victime de l’échafaud politique. Au cours de l’entrevue, il lui aurait avoué ses torts, et lui aurait demandé pardon de la part qu’il avait prise à la mort de son fils.

— La mort de votre fils, dit-il, loin d’être déshonorante, restera comme une tache d’or dans l’histoire de votre famille.

— C’est vrai, Monseigneur, répondit la mère éplorée, il n’y a rien de déshonorant, au contraire, mais elle n’en est pas moins une tache de sang qui ne s’effacera jamais.

Cette scène, dit-on, eut lieu devant des témoins dignes de foi et qui sont encore vivants.

Quoiqu’il en soit, la démonstration de samedi est à nos yeux une vieille dette de reconnaissance que notre nationalité vient s’acquitter envers des braves, morts victimes de leur dévouement pour elle.

 

Sources : Le Canadien, 15, 18 et 22 juin 1891.

L’illustration provient de Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Collection Centre d’archives de Québec, Documents iconographiques, cote : P1000, S4, D19, P113.