Catastrophe à Saint-Alban de Portneuf
Parmi les rivières du Québec, il n’y en a pas plus «insoumise» que la Sainte-Anne. Les gens de Saint-Raymond, comté de Portneuf, pourrait vous en passer un papier. Voici un nouvel événement à joindre à la longue histoire de la rivière Sainte-Anne. La Tribune (Saint-Hyacinthe) du 4 mai 1894 raconte.
Un phénomène géologique vient de se produire dans la paroisse de Saint-Alban, comté de Portneuf, située à environ 50 milles de Québec, baignée par la rivière Saint-Anne, laquelle prend sa source dans les Laurentides.
À quelques arpents de l’église de Saint-Alban se trouvait une chute d’une centaine de pieds, alimentant le moulin à pulpe de M. Gorry, de Portneuf. Grâce à l’abondance des neiges dans les montagnes durant l’hiver dernier, la crue des eaux de la rivière a été ce qu’elle n’avait pas été depuis de longues années; et, depuis quelque temps, la paroisse était menacée d’une inondation, ce qui ne laissait pas d’effrayer considérablement les gens de l’endroit.
Au pied de la chute, les berges sont, ou plutôt étaient coupées à pic à une hauteur de plus de cent pieds et sur une longueur de près d’un mille. À cet endroit, la rivière avait un courant extraordinairement rapide.
Vendredi soir, vers huit heures, un bruit épouvantable suivi d’un véritable tremblement de terre mit en émoi toute la paroisse. Les habitants sortirent de leurs maisons et constatèrent un dégât épouvantable. Près de la chute, la rivière avait complètement disparu. La chute n’existait plus et l’énorme trou au fond duquel s’élevait naguère le moulin Gorry était rempli.
Aux lieu et place de la rivière, se trouvait une plaine couverte d’arbres et sur la surface de laquelle on trouvait des débris de maisons et de granges renversées. D’énormes rochers y gisaient pêle-mêle avec des monceaux de terre, de pierres, des débris de bois, des fragments de maisons. La scène était horrible. Les grondements de la rivière, les clameurs de terreur poussées par les résidents de l’endroit ajoutaient à l’horreur du spectacle.
La rivière avait changé de lit sur une longueur d’un mille et demi; et sur une largeur de quatre à cinq arpents [un arpent mesure quelque 60 mètres], où se trouvaient naguère des fermes florissantes et de grande valeur, on voyait les capricieuses sinuosités de la Sainte-Anne, dont les eaux bouillonnaient en grondant d’une façon horrible.
Pendant toute la nuit, l’émotion a été grande. On crut que la catastrophe avait causé un grand nombre de pertes de vie, et, en dépit des nombreuses difficultés, on commença les recherches. […]
Pendant toute la nuit, le bruit de la rivière, ressemblant beaucoup à celui d’un tremblement de terre, a continué au grand effroi des personnes des environs. Un résidant de l’endroit dit que les gens s’attendaient que d’un moment à l’autre la paroisse entière serait détruite, et prenaient les moyens de s’enfuir en abandonnant tous leurs biens et effets. Aujourd’hui, la rivière a baissé considérablement. […]
L’eau de la Sainte-Anne est tellement boueuse que les poissons, incapables d’y vivre, la désertent et on les trouve sur les bords à demi suffoqués par les matières que charroie la rivière. Des secours seront envoyés de Québec dès aujourd’hui. […]
Le fleuve Saint-Laurent charrie en ce moment des débris de toutes sortes, cadavres d’animaux, arbres, pièces de maisons et de granges, poutres de ponts, etc.
Samedi, le fleuve était couvert de ces épaves à un tel point que les bateaux du marché n’ont pu se rendre à Québec. Il eut été dangereux de s’aventurer au milieu de cette immense étendue de décombres.
La gravure ci-haut, du lit desséché de la rivière Saint-Anne à Saint-Alban, est parue dans Le Monde illustré du 18 septembre 1897. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Saint-Alban (Québec)».
Ci-bas, les photographies des effets du grand glissement de terrain de Saint-Alban sont déposées à Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Collection Michel Gaumond, cote : P835, D4, P1, P6, P11.
J’aimerais plus d’informations sur M. Gorry qui avait le moulin a pulpe a Portneuf
Houppelai, chère Madame ! Il va falloir que vous vous lanciez dans des recherches. Existe-t-il une histoire de la paroisse ? Internet en dit-il mot de votre Gorry ? Etc., etc. Les sources possibles peuvent être très variées. Vous pouvez travailler pour «rien» pendant des mois et soudain trouver le brin qui vous permettra de défaire le chandail de laine et d’accéder enfin à votre Gorry. Soyez patiente, soyez patiente… et tenace. Parfois, en histoire, les recherches peuvent être longues.
Sur Facebook, il y a une page : »125e de Sainte-Christine » qui en parle. Il y a des connaisseurs qui racontent l’histoire.
Merci, chère Madame, de cette info. Je n’ai pas de compte FB, mais pour les personnes qui visitent ce site-ci et s’intéressent à cette histoire incroyable, nul doute qu’elles apprécieront cette référence. Merci encore et bon dimanche à Vous.