Ah, c’était quand même le bon temps !
Ce cher Rutebeuf le chante : Que sont mes amis devenus, que j’avais de si près tenus, et tant aimés ?
D’une certaine façon, on pourrait croire qu’un chroniqueur anonyme, dans la Gazette de Joliette du 4 avril 1889, y fait écho.
Qu’est devenu le beau temps où l’on partait de Yamaska, de Sorel, de Berthier, par un beau chemin d’hiver, pour faire la partie de cartes à Joliette ! Là, quelle franche et généreuse hospitalité on rencontrait chez MM. De Lanaudière, Melançon, Godin, Groulx, le protonotaire-poète… Leprohon. Hélas, tous disparus ! Et chez Magnan, Turcotte, etc. Beaux jours pleins d’heureux souvenirs et de cuisants regrets !
Il semble que la gaité de nos hivers est disparue, que le temps passe si vite qu’on ne vit plus que d’une fièvre dévorante pour les affaires, sans, comme une autre fois, jouir de la vie réelle et si canadienne qui faisait le bonheur d’une autre génération.
Le chemin de fer nous emporte et on a plus que de l’indifférence pour le voyage si réconfortant, serait-ce pour une simple promenade en carriole.
Il est vrai que le temps passe vite, qu’une vie est si rapidement écoulée. Souhaitons-nous de pleinement profiter de nos heures, de nos jours, si vite «en allés».
Mais il y a plus dans ce court texte : le constat de l’accélération du temps. Je viens d’avoir une commande : rédiger quelques feuillets sur le thème de la lenteur. Fort beau sujet. Mais quand donc, croyez-vous, nous avons perdu la lenteur ? À mon avis, il y a quelque 200 ans avec l’arrivée de la vapeur. Où tout s’est mis à s’accélérer. Il y a quelque chose aussi dans ce texte ci-haut qui tient d’un cri qu’on retrouve périodiquement dans la presse d’il y a cent ans, et plus que jamais aujourd’hui. Voyez celui-ci de 1893 et pourtant tellement d’aujourd’hui même.
C’est certain, nous avons quelque part échappé en chemin la lenteur.
L’illustration est parue dans Le Monde illustré du 16 novembre 1901. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec au descripteur «Cartes à jouer».