Terrible inondation à Montréal
À Montréal, à cause du comportement de la nature, il y a de ces printemps qui sont passés à l’histoire. Celui de 1887, par exemple.
Le jeudi, 21 avril, le quotidien La Patrie échappe quasi banalement, en page 4, ces trois phrases : Nous avons enfin la débâcle. La glace vient de se mettre en mouvement, poussée par les glaces du lac St-Louis. Une foule de personnes sont à contempler le spectacle.
Le lendemain, 22 avril, on croit percevoir une urgence à l’horizon. Et on y va de la première page cette fois-ci : Ce matin, vers 7 heures, l’eau a commencé à monter d’une façon alarmante. La glace du fleuve refoulée dans celle du Lac St-Louis, et se trouvant bloquée dans les îles de Boucherville et près de Longue Pointe, l’eau a dû trouver une issue quelconque. Vers 7 heures ce matin, elle passait au-dessus du mur de revêtement, envahissait toutes les caves de la rue St-Paul et de la rue McGill. La force de l’eau du fleuve détourna l’eau des canaux de son cours et, dans les endroits bas, elle se mit à monter. Sur les rues des Allemands, Vitré, McGill et dans le Griffintown, l’eau est dans toutes les caves, noyant tout ce qu’elle rencontre sur son passage.
Vingt-quatre heures plus tard, La Patrie affirme que l’inondation est le grand sujet de conversation à Montréal. Le Franco-Canadien, citant L’Étendard du 23 avril justement, écrit : Le commerce est interrompu, la plupart des manufactures qui fournissent l’ouvrage à des milliers d’ouvriers ne peuvent fonctionner et la misère se présente avec sa laideur repoussante à ceux qui attendent le travail journalier pour vivre un jour.
Par tout le district maintenant sous les eaux, on peut voir de pauvres malheureux demander du pain et des vivres. Et disons-le hautement, à la gloire de nos concitoyens, des secours immédiats sont distribués à ceux qui souffrent. De généreux bateliers dirigent leurs canots, remplis de provisions et de vivres, à travers les rues inondées et bientôt ils reviennent le canot vide, mais ayant accompli leur mission de charité.
Les habitants sont réfugiés aux étages supérieurs des maisons et reçoivent ce dont ils ont besoin dans des paniers attachés à de longues cordes qu’ils retirent ensuite.
Les communications sont interrompues entre les rues principales; comme nous le disions ce matin, la gare Bonaventure est submergée jusqu’à environ deux pieds de la toiture.
On assiste à des scènes étonnantes. La Patrie du 25 avril cite les faits suivants : On pouvait voir, samedi, sur la rue Lamontagne, un convoi funèbre sur l’eau. La bière reposait sur des boîtes placées au milieu d’un radeau, que les porteurs dirigeaient vers la terre ferme. C’était la dépouille morelle de M. Vaillancourt, rue Lallemand, qu’on transportait ainsi. […] Plus d’un ivrogne ont été recueillis par la police, cramponnés aux réverbères.
Le Franco-canadiain du 23 avril, lui, met en lumière le travail de Joe Vincent : La scène lugubre, à laquelle a assisté Montréal depuis samedi, a donné lieu à de beaux exemples de dévouement et, parmi ceux qui ont exposé leur vie pour soulager les infortunés, nous devons mettre au premier rang le courageux Jos Vincent qui a dépassé, dans cette circonstance, tout ce qu’on pouvait attendre de son courage et sa générosité si proverbiale dans ces temps de calamité publique. Depuis samedi, pour venir en aide aux inondés, Jos Vincent n’a rien épargné. Il avait mis à leur service 40 chaloupes, c’est-à-dire toute sa flottille, il s’est prodigué partout, le jour et la nuit, même au risque de sa vie.
Finalement, après six jours, le mercredi 27 avril, le quotidien montréalais La Patrie constate : Nous touchons à la fin de ce terrible fléau… Tout danger paraît maintenant écarté… Les localités inondées offrent, à mesure que l’eau se retire, une apparence de désolation. […] On estime approximativement à vingt-six milles la longueur des rues couvertes par l’eau durant l’inondation.
La gravure est d’abord parue dans Le Monde illustré du 30 avril 1887. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec au descripteur «Inondations».
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