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Douze superstitions québécoises (première partie)

Dans La Patrie du 1er avril 1893, le chroniqueur A. Beauchamp se lance dans la présentation de 12 superstitions québécoises. Voyons voir.

Parmi toutes les superstitions de l’ancien temps, il y en avait de drôles et dont il serait difficile d’expliquer l’origine ou la naissance. En voici quelques-unes recueillies dans les souvenirs de nos premières années et qui nous étaient racontées, le soir, au coin du feu, par nos servantes et par nos grand’mères.

1. Les FEUX FOLLETS étaient des âmes en peine courant dans les campagnes pour se faire délivrer d’un châtiment quelconque. Un couteau ouvert, piqué sur une clôture, provoquait la remise de la peine, pourvu que le feu follet, passant sur le couteau, s’y coupât de manière à faire sortir le sang.

2. Le LOUP-GAROU (du français loup, et du celtique garo, cruel, sauvage) était un esprit malin et très dangereux. C’était, le plus souvent, une personne changée en loup-garou, en punition de sa mauvaise conduite, comme négligence, pendant sept ans et sept jours, de «faire ses pâques», ou pour avoir causé de gros scandales dans la paroisse, pour débauche ou toute autre cause. Quand on rencontrait le loup-garou, dans ses tournées nocturnes, on pouvait «délivrer» l’âme du malheureux qui l’animait, en faisant sur lui un grand signe de croix; mais le malin ne se laissait pas approcher facilement et, d’ailleurs, on le redoutait.

3. Le LUTIN, lui, n’en voulait qu’aux chevaux : c’était, paraît-il, un maquignon, qui tressait avec art les crins du cou et de la queue des bucéphales des campagnes. Plus que cela, il se plaisait à prendre des courses furibondes sur le dos des chevaux les plus fringants, et que de fois, le matin, en allant «faire le train», on a trouvé ces coursiers ruisselants d’écume blanche et tremblants de tous leurs membres : c’était la fatigue causée par la course désordonnée de la nuit. Il paraîtrait que le lutin

Faisait cas d’un coursier qui, fier et plein de cœur,
Fait paraître en courant sa bouillante vigueur.

Pour éloigner le lutin des écuries, il suffisait de dessiner, au charbon, à la craie ou à la peinture, une croix sur la porte ou au-dessus, et c’est ce qui se fait encore aujourd’hui chez plusieurs de nos paysans canadiens, en bas de Québec, et chez la plupart des paysans acadiens. On dirait que tous les génies malfaisants, comme le loup-garou, le lutin, etc., sont un peu du sentiment de certains fanatiques : ils ont peur de la croix qui a sauvé le monde.

4. La CHASSE-GALERIE n’inspirait aucune crainte. Elle se présentait, toujours dans les nuages, sous forme d’un canot monté de plusieurs hommes pagayant avec vigueur et chantant les refrains les plus gais. On entendait distinctement le chant, mais on ne pouvait pas toujours en saisir les mots : des nuages à la terre, il y a si loin !

D’autres fois, la chasse-galerie se présentait sous la forme d’une troupe de chasseurs, dans les nuages toujours. De là, probablement, son nom de chasse-galerie, la galerie ou la bande des chasseurs. On entendait «tout à clair» le galop des chevaux, l’aboiement des chiens courants, le son du cor, etc. On ne redoutait pas la chasse-galerie, vu qu’elle se tenait toujours fièrement au-dessus de notre planète.

 

Demain : suite et fin de cet article sur les superstitions québécoises.

L’illustration est tirée de l’ouvrage de Louis Cousin-Despréaux, Les leçons de la nature présentées à l’esprit et au cœur, Tours, Alfred Mame et Fils, 1885. Merci à mon bouquiniste Michel Roy pour le prêt de cet ouvrage.

Sur la chasse-galerie, voir ces billets où il en est fait mention.

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