Des nouvelles des Dagg !
Qu’arrive-t-il finalement chez les Dagg, dans Pontiac ? Vous vous souvenez, quand nous les avons quittés, ils étaient plus d’une vingtaine à habiter la maison hantée où se manifestait on ne sait qui. Le Diable, dit le journal Le Canadien, le 6 décembre 1889.
Un correspondant transmet d’Ottawa des détails extraordinaires des événements étranges qui se passent dans une maison de Pontiac, hantée par les esprits. La nouvelle des faits inexplicables a déjà été donnée, puis la semaine dernière on a cru qu’une jeune fille était ventriloque et causait toutes ces fumisteries. Mais dernièrement le tapage a recommencé et les «esprits font des démonstrations encore plus effrayantes.
La semaine dernière, quelques jeunes gens, au nombre desquels était le correspondant, se sont rendus à Clarendon pendant une partie de chasse et ont appris les faits suivants :
Depuis deux mois, la famille de George Dagg, un cultivateur du township de Clarendon, comté de Pontiac, a été mise en émoi par quelque malin esprit qui, dit-on, commet toute sorte d’outrages, converse avec les mortels, prononce des paroles obscènes et blasphématoires et se donne lui-même comme le diable.
La famille est composée de George, 35 ans; son épouse Susan; Mary, âgée de 5 ans; Johnny âgé de 2 ans et Dinah Burden McLaren, âgée de 11 ans. Cette dernière a été envoyée d’Écosse par M. Guarnier; M. Dagg l’a prise à l’asile Belleville et l’a adoptée, il y a environ 5 ans. Avant le commencement des troubles actuels, Dinah était une fillette rose et bien portante. Maintenant elle a le teint pâle, ses yeux sont cerclés de noir et maintenant elle n’est plus que l’ombre d’elle-même.
On supposa d’abord qu’on garçon, obéissant aux instructions de Mme Wallace, une veuve qui est en intimité avec la famille Dagg, était l’auteur de tout le mal; mais certains événements ont démontré qu’il fallait abandonner cette idée à laquelle, cependant, on pouvait donner quelque créance, attendu que Mme Wallace est considérée comme une espèce de sorcière. L’esprit semble s’attacher particulièrement à la petite Dinah.
Le 15 novembre, notre correspondant arrive à la ferme de M. Dagg. Le pays est habité par des cultivateurs à l’aise. La famille Dagg lui parut très honnête et assez intelligente en général.
Leur maison est construite en troncs d’arbres; elle n’a qu’un étage. En arrière, il y a un hangar. Ils reçurent d’abord le visiteur comme un curieux; mais il sut entrer dans leurs bonnes grâces. Dinah n’était pas à la maison et tout était tranquille. En attendant son retour, notre correspondant apprit que la première apparition des esprits eut lieu le 15 septembre.
Mme Dagg avait laissé un billet de $5 et un autre de $2 dans le tiroir d’un bureau. Le matin suivant, le garçon de ferme Dean, un orphelin, trouva le billet de cinq piastres sur le plancher, en face d’un poêle. Le billet de $2 fut trouvé dans le lit de Dean. Quand Mme Dagg se leva, elle vit des ordures éparpillées dans toute la maison. Tous ces méfaits furent imputés au jeune garçon, qui fut conduit devant un magistrat, à Shawville. Plus tard, dans la même journée, des ordures furent encore trouvées dans les lits, parmi les vivres, etc. La huche à pain était vide, le beurre était déplacé.
Le jour suivant, tandis que la famille était rassemblée dans la maison, une vitre se brisa tout à coup. Dagg regarda dehors; mais il ne vit personne. Huit vitres se brisèrent ainsi successivement. Puis le feu éclata à plusieurs reprises, jusqu’à huit fois dans une journée. Des plats se cassèrent; l’eau de la cruche fut jetée à la figure de Mme Dagg par une main invisible.
Tout à coup, la petite Dinah se mit à crier en disant que quelqu’un lui tirait les cheveux. Sa mère remarqua que sa chevelure avait été coupée. Le soir, étant couchée, Dinah aperçut une forme noire qui tirait les draps de son lit, Mme Dagg lui apporta le fouet et la petite fille se mit à frapper sur la forme noire qu’elle seule pouvait apercevoir. Soudain, on entendit comme le grognement d’un porc, et la forme noire disparut. La petite Dinah aperçut aussi, un autre jour, un homme à tête de vache qui lui demanda si elle voulait aller en enfer avec lui.
Tandis que le Rév. Horner priait dans la maison pour chasser le démon, la Bible lui fut arrachée des mains par un être invisible et placée dans le four.
On raconte encore qu’une voix surhumaine murmurait constamment des paroles obscènes à l’oreille de Dinah.
Samedi matin, le correspondant, accompagné de la petite fille, se rendit dans le hangar, et Dinah demanda à haute voix : «Êtes-vous ici ?» Alors on entendit proférer des paroles que notre plume se refuse à transcrire.
«Qui êtes-vous ?» demanda notre correspondant. «Je suis le diable, et, si tu ne sors pas d’ici immédiatement, je vais te casser le cou !» répondit la voix. Mais après une longue conversation, l’esprit sembla s’apaiser et raconta qu’il était simplement en train de se divertir aux dépens de la famille Dagg, sur l’inspiration de Mme Wallace. Le soir, il parut se repentir de ce qu’il avait fait, demanda pardon à toute la famille et promit de ne plus se servir de son langage obscène habituel.
Le correspondant alla chercher madame Wallace et l’amena à la maison pour l’entretenir de cette mystérieuse affaire.
Aussitôt que cette dame entra, la voix s’écria : «Vieille mère Wallace ! C’est toi qui, avec Maggie et Willie, a enterré un livre de magie dans le marécage !»
— C’est faux, répliqua Mme Wallace.
— C’est toi, et tu es une menteuse !
Le lendemain, une voix se fit entendre à une foule de visiteurs de la campagne; mais son langage était entièrement changé.
«Je suis, disait-elle, un ange envoyé par Dieu pour chasser l’être invisible qui vous a causé tant de troubles.»
Lundi matin, l’esprit apparut à Dinah et aux autres enfants. Il descendit d’un chariot de feu, puis s’éleva vers le ciel au milieu d’une auréole, tandis que des sons harmonieux se faisaient entendre.
Depuis ce temps-là, on n’en a plus entendu parler….
Cette illustration d’une maison près de Saint-Benoît est de l’aquarelliste montréalaise Bobby (Barbara) Atkinson.