Sus aux colporteurs !
Nous n’avons jamais été tendres à l’égard des colporteurs. Dès le Régime français, on s’en méfie. On croit que ce sont des êtres sans morale, sans scrupules. Bien plus, à l’occasion, pointe la xénophobie. Et, au premier coup d’œil, on les met tous dans le même sac : vagabonds, quêteux, hobos, Bohémiens, gypsies, Juifs, Syriens, Italiens, Arabes, Mexicains, etc.
L’hebdomadaire L’Écho des Bois-Francs tape sur le clou à nouveau, le 27 octobre 1894.
Certains journaux ont déjà mis les populations en garde contre les colporteurs étrangers qui exploitent nos campagnes, le plus souvent sans même de licence.
Craignant sans doute les jours de chômage qui peuvent arriver avec la mauvaise saison, ces individus sont depuis quelques jours plus actifs et plus nombreux. C’est maintenant par caravanes qu’ils promènent à travers nos campagnes, avec leur mine débraillée, leur propreté douteuse, leur honnêteté et leur moralité problématiques.
Il serait pourtant bien temps de s’occuper de ces gens-là qui, outre la concurrence ruineuse qu’ils font au commerce régulier et honnête, se permettent trop souvent d’exercer certaines petites industries bien profitables à eux, mais bien désagréables pour les populations.
Il n’est pas de paroisse maintenant où l’on n’ait à citer quelque escroquerie, quelque vol ou autre exploit pire encore commis par ces messieurs, juifs pour la plupart.
Enrichis et enhardis par l’impunité, quelques-uns de ces individus ont déjà commencé à opérer dans nos cantons sur une plus haute échelle; dans des «lignes spéciales», pour nous servir de l’argot du commerce.
Il n’y a pas longtemps, par exemple, un étranger bien mis, se donnant les titres pompeux d’oculiste, de professeur d’optique, etc., offrait en vente dans les localités éloignées des centres, au prix exorbitant de 4, 5 et 6 piastres, des lunettes, lorgnons, etc., que le premier boutiquier venu détaille à 30 sous.
Grâce à la bonne foi, à la crédulité des gens et à son talent de hâbleur, le «professeur» faisait de bonnes affaires.
Un mois après le passage de ce dernier, un second «oculiste» changeait, moyennent finances, les articles fournis par le No 1, tout en traitant celui-ci et d’escroc et pis encore.
Inutile d’ajouter que les deux compères étaient de connivence et s’entendaient comme larrons en foire.
Nous pourrons nommer des paroisses où des sommes assez rondes, péniblement gagnées par un dur labeur, ont été ainsi arrachées à de pauvres gens pas trops crédules [sic]. […]
Il faut enrayer ce mal; il en est encore temps.
Pas de pitié pour cette canaille. Si ces étrangers veulent vivre parmi nous qu’ils exercent un métier honnête, comme tout le monde.
Les citoyens devraient secouer leur torpeur et dénoncer sans merci à la justice ces parasites partout où ils les trouveront; et si les lois du pays sont insuffisantes pour nous en débarrasser et nous protéger nos législateurs, témoins des efforts infructueux des citoyens, y pourverront [sic].