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Le babillage de ces dames

La municipalité du canton de Ham-Nord se trouve à 65km au sud de Victoriaville, dans les Bois-Francs. Le correspondant de L’Écho des Bois-Francs à cet endroit, pince-sans-rire, y va de ce texte, le 20 novembre 1897, sur les femmes du village qui aiment babiller.

 

Les femmes du village exerçaient leur faconde
Emportant leurs rouets ou leurs tricots légers
Elles se rassemblaient le soir chez l’une d’elles,
Pour apprendre à conter les dernières nouvelles

Ces vers de [Léon-Pamphile] Lemay], le fidèle peintre de nos mœurs rurales, me sont remis en mémoire par l’effort que fait ici en ce moment le beau sexe pour faire revivre une vieille coutume campagnarde qui était tombée en désuétude : celles des bees de femmes, bees pour filer, etc.

Il y en a déjà eu deux depuis que la saison est commencée.

Et il paraît que là :

Pendant que grondaient les rapides fuseaux,
Que l’aiguille d’acier nouait de fins résaux [sic],
Les langues s’agitaient comme fait la ramure,
Lorsqu’après un jour chaud la brise murmure.

Mais il faut que j’arrête là la citation si je ne veux pas provoquer contre ma personnalité l’ire de ces dames. Hélas ! si ce malheur arrivait, ce n’est pas le spirituel auteur de TonKouron [un des personnages des écrits de LeMay], mais ce pauvre moi qui se ferait bel et bien éplucher à la prochaine réunion…

Que penser, dirait l’une d’un homme
Qui critique toujours et partout sans qu’il se nomme
Ne peut-on pas au moins le croire malapris
Et l’autre répondrait Certes ! c’est bien permis
Et les sous-entendus, les doutes, les soupçons
Reviendraient apprêtés de toutes les façons…

Ma foi, c’est si bien dit que je ne puis résister à la tentation de citer le quatrain final du chapitre.

Seulement pour ne pas être méchant envers nos gentilles et toutes aimables villageoises, j’en adoucirai quelques expressions, que M. Lemay lui-même n’eut pas employées à leur adresse s’il eut connu comme moi leur discrétion et leur gentillesse :

[Je souligne les mots substitués, comme je l’ai fait, d’ailleurs, plus haut.]

Et tordant les brins d’or des soyeuses filacées,
Ainsi causaient souvent les fileuses loquaces
Au récit de la veille ajoutant un détail.
Et mêlant sans remords babillage au travail.

Qu’on n’aille pas m’interpréter à mal et croire que je censure — au contraire, je suis toujours heureux de voir subsister les bonnes vieilles coutumes. Je regrette même de constater que nos jeunes filles soient pas [sic] douées de l’esprit d’initiative de leurs aînées, ces dames. Allons mesdemoiselles, soyez puritaines si vous le voulez, mais sans marques, organisez-vous aussi des bees ou quelque chose comme cela qui puisse fournir aux jeunes gens l’occasion de vous rencontrer, de jouir de votre agréable compagnie, de rompre enfin la monotonie des longues soirées d’hiver.

Après tout, les garçons et les filles, ça n’a pas été créé et mis au monde expressément et uniquement pour se regarder, chacun de chez soi, éternellement et niaisement comme des chiens de faïence…. et comme je soupçonne que ça se pratique actuellement.

 

L’illustration est parue dans Le Monde illustré du 13 avril 1901. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Filage à la main».

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