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Au sujet du français québécois

Dans Le Monde illustré du 17 novembre 1888, quelqu’un qui signe L. Gougeon parle «De la langue française au Canada». Et tout n’est pas désespéré.

D’abord la langue française que nous parlons est la vraie langue française; il n’y a pas de patois chez nous. Mais la parlons-nous bien ? Je dirai que, lorsque nous chantons à haute voix, lorsque nous parlons en public, forcés alors d’accentuer les mots, nous prononçons bien, et mieux que plusieurs Français, qui peuvent à peine se débarrasser de leurs sons gutturaux. Oui, la langue française, chantée et parlée à haute voix, est belle chez nous, aussi belle qu’en France, et pouvant égaler la pureté du son des Parisiens les plus raffinés.

Mais en est-il de même de la conservation ? Ici, je l’avoue, nous faisons défaut. Généralement, nous ne cherchons pas à parler grammaticalement, nous prononçons mal : le langage canadien est négligé, languissant.

Nous pêchons contre l’élégance et la clarté, qui sont les qualités dominantes de la langue française.

Ce poli, ce distingué, que l’on admire dans les manières du peuple français, se déteint naturellement dans son langage. Il est noble, actif, énergique; la tournure est alerte et vive.

En Canada, chez un trop grand nombre de gens instruits, le langage est trivial et vulgaire. Nous n’articulons presque pas. Prenons garde. «Une articulation molle, confuse et sans vie, dit-on, donne à une personne un air d’imbécilité.»

Si la langue française était parlée partout comme en Canada, l’adopterait-on comme la langue des Cours et des salons ? Je ne le crois pas.

Notre langage a quelque chose de sourd qui est particulier aux langues du nord, quelque chose qui s’éloigne du son métallique des langues du midi. […]

Une langue, sans accentuation, sans articulation nettement dessinée, n’est pas une langue formée, mais une ébauche simplement.

Voilà pourquoi les étrangers n’aiment pas notre langue, ne l’apprennent pas et veulent la retrancher du pays. Voilà pourquoi plusieurs Canadiens ont honte de la parler, la perdent aux États-Unis, et avec elle leur nationalité.

Il y a certainement des Français qui s’expriment mal et des Canadiens du peuple parlent mieux que ceux-là. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas corriger nos défauts.

La classe instruite, au moins, devrait se faire un devoir de parler correctement notre langue. Par là, personne ne lui préférerait une langue étrangère; elle sera ici, comme ailleurs, la langue choisie, estimée de toutes. Le peuple, la voyant ainsi honorée, serait fier de la garder précieusement comme un élément de sa nationalité.

 

L’image provient de Mon premier livre de lecture, textes de Marguerite Forest et Madeleine Ouimet, illustrations de Jean-Charles Faucher, Montréal, Librairie Granger Frères Ltée, 1964. Il s’agit d’un ouvrage approuvé par le Conseil de l’Instruction publique de Québec, à sa séance du 12 mai 1943.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Esther Bourgault #

    « Mon premier livre de lecture »… qui fut aussi le mien en septembre 1962, avec mes « 5 ans presqu’et demi » en poche… Il est là, sur une tablette de ma chambre… et je me demande si j’oserais le présenter à mon petit-fils de 5 ans ? On verra bien… :-)

    19 novembre 2013
  2. Jean Provencher #

    Pourquoi pas, chère Esther ? J’en ai acheté des copies pour mes petits-enfants. Même si des documents peuvent être passés date, j’ai toujours été partisan qu’ils soient diffusés pour que nous sachions d’où nous venons.

    19 novembre 2013

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