Skip to content

Incroyable !

Le 23 août 1884, dans Le Monde illustré, Raoul de Sorel raconte une histoire tout à fait étonnante.

«Allez n’importe où, vous êtes sûr de rencontrer un Canadien» est un dicton bien connu, mais j’ignorais jusqu’à présent que la chose fut aussi vraie qu’on le dit.

C’est Flavien B. qui m’a éclairé à ce sujet.

Il raconte que le docteur D…., de Québec, voyageant il y a quelques années en Afrique, arriva un soir aux premières plaines de sable du Sahara. Le camp étant installé, le Dr aperçut à peu de distance un campement d’Arabes, et ne put résister au désir d’aller voir ces enfants du désert.

Accompagné d’un de ses amis, canadien comme lui, il se dirigea du côté des tentes qu’il apercevait en disant à son compagnon :

— Enfin, nous allons pouvoir examiner à notre aise un véritable Arabe, nature, n’ayant jamais eu de contact avec la civilisation, et justement en voici un qui s’est éloigné des autres, probablement pour faire sa prière, car il chante.

L’individu en question était assis et psalmodiait en effet une complainte dont on ne pouvait encore distinguer exactement ni l’air ni les paroles. Il portait naturellement le turban et le burnous traditionnels.

En approchant, les mots de la chanson devinrent plus claire, et jugez de la stupéfaction des deux voyageurs en entendant l’Arabe chanter :

Un Canadien errant
Banni de ses foyers…

— Comment ! fit le docteur en arrivant au chanteur, vous chantez un air de mon pays, vous parlez donc français !

— Oui, répondit froidement le pseudo Arabe, et je vous connais bien, vous êtes le docteur D…, de Québec.

— Mais comment se fait-il que vous soyez ici, habillé en arabe et voyageant dans le désert ?

— Pour ça, voilà l’affaire : Je suis de Beauport, je me nomme Narcisse B… Il y a trois ans, le goût des voyages m’a pris, je suis allé en Angleterre, en France, en Espagne, et c’est en me rendant au Cap que le navire sur lequel je me trouvais fit naufrage. Je fus pris par ces gars-là qui, voyant que je pouvais leur être utile, m’ont emmené après m’avoir habillé comme eux. Il y a deux ans que je les suis, je parle un peu leur langue, je leur sers d’interprète et ils ne veulent plus me lâcher. Ma vieille doit me croire mort.

— Voudriez-vous retourner en Canada ?

— J’haïrais pas ça.

Après quelques démarches, le Dr D… obtint la liberté de son compatriote qui vint revoir sa vieille.

Je parie que les troupes françaises vont trouver des Canadiens à Madagascar et au Tonquin.

 

La chanson Un Canadien errant, l’une des plus belles chansons d’ici, fut composée en 1842 par Antoine Gérin-Lajoie, alors âgé de 18 ans, inspiré par le sort de la soixantaine de Patriotes condamnés à l’exil après l’insurrection de 1837-1838, faisant d’eux des Canadiens errants. Si cette chanson vous intéresse, vous trouverez sur ce site, à ce jour, le 21 août 2013, six articles qui y reviennent d’une manière ou d’une autre.

L’article ci-haut est aussi paru dans Le Franco-Canadien, l’hebdomadaire de Saint-Jean-sur-Richelieu, dans l’édition du 10 octobre 1884.

Le livre dont on aperçoit la couverture ci-haut fut publié à Montréal, aux Éditions du Jour, en 1974.

15 commentaires Publier un commentaire
  1. claude lamontagne #

    J’AIME BIEN CETTE HISTOIRE.JE NE SAIS PAS POURQUOI CA ME FAIT CHAUD AU COEUR ET ME RAPELLE CERTAIN VOYAGES.CLAUDE

    22 août 2013
  2. Jean Provencher #

    Tu m’en vois réjoui, cher Claude.

    22 août 2013
  3. alain gaudreault #

    En Australie,il y a un baie du canada,en mémoire des exilés canadiens de 1837/38!

    22 août 2013
  4. Jean Provencher #

    C’est fort intéressant. En savez-vous davantage ?

    22 août 2013
  5. alain gaudreault #

    http://en.wikipedia.org/wiki/Canada_Bay

    22 août 2013
  6. alain gaudreault #

    J’ai trouvé cette information en surfant sur les canadiens errant.Le hasard fait bien les choses.Chose curieuse la chanson a disparue de l’immaginaire des Québécois et semble etre mieux connue chez le anglos-canadien!

    22 août 2013
  7. Jean Provencher #

    Bravo ! Mais je ne crois vraiment pas, monsieur Gaudreault, que la chanson «Un Canadien errant» soit disparue chez les Québécois. J’ai pu le vérifier. À l’occasion, dans les bibliothèques, je l’entonnais, et à peu près tout le monde me suivaient, s’y mettaient à leur tour.

    22 août 2013
  8. alain gaudreault #

    C’est une chanson qui tire les larmes,je me fait toujours prendre!

    22 août 2013
  9. Jean Provencher #

    C’est vraiment une de nos plus belles chansons, tout à fait à nous ! Un véritable patrimoine !

    22 août 2013
  10. alain gaudreault #

    http://www.youtube.com/watch?v=JIjoByUJbPQ

    22 août 2013
  11. Jean Provencher #

    OK, ce couple se donne certaines libertés; à l’occasion, ils sont à côté de la musique. Mais cette si belle chanson demeure encore belle, même quand les interprètes sont dans le champ pour un moment.

    22 août 2013
  12. Ghyslaine Lavoie #

    Monsieur Provencher, je me retrouve ici, un peu par hasard, après avoir cherché en vain de la lecture sur les lendemain du soulèvement de 1837 à St-Benoit. Je profite de l’occasion qui m’est donné pour m’adresser à l’historien que vous êtes… Une étude sociale sur les conséquences au quotidien de la dévastation après décembre 1837… ? Avez-vous un titre à me suggérer ? Mon ancêtre habitait, St-Benoit, toutefois, il n’était pas propriétaire. Il n’est pas non plus sur aucune listes de patriotes, et je sais qu’il a migré suite a cet évènement…certainement qu’il n’était pas le seul ? Il s’est dirigé vers l’Orignal.

    Dans un autre ordre d’idées, j’ai lu Les quatres saisons avec délices il y a 20 ans…je pense que votre bouquin devrait être au curriculum de toutes nos écoles secondaires. Merci

    28 août 2013
  13. Jean Provencher #

    Merci beaucoup, chère Madame Lavoie. Une étude sociale sur les circonstances au quotidien de la dévastation après décembre 1837 serait vraiment, mais vraiment, un merveilleux travail. On imagine déjà la misère causée. Je vais fouiller, mais je ne suis pas certain que cela soit documenté.

    Je lance aussi un appel à toutes et à tous à ce sujet. Si vous avez vu passer, même seulement un article à ce propos, vous seriez un ange de nous le donner en partage.

    28 août 2013

Trackbacks & Pingbacks

  1. Quels journalistes avons-nous ? | Les Quatre Saisons
  2. Partout s’entend «Un Canadien errant» | Les Quatre Saisons

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS