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Vive le ping-pong !

Jamais, à ce jour, je n’avais trouvé de mention du tennis de table dans la presse québécoise de 1900. C’était à croire que ce jeu n’existait pas. En 1903, l’hebdomadaire L’Album universel ouvre une page qui a pour titre «La tribune des jeunes», où on invite «les jeunes écrivains des deux sexes» à proposer leurs «compositions originales, courtes et bien bâties».  Un jeune homme ne peut se retenir de faire l’éloge du ping-pong.

 

À l’ombre des lustres flamboyants des salles de bal, je chanterai tes beautés, ô ping-pong, ô jeu calomnié.

Toi qu’on a qualifié de puéril.

Puéril ! le jeu que la mère permet à sa fille, comme les livres de madame Bourdon [il s’agit ici de Mathilde Froment qui écrivait des livres «fortifiants» pour le foyer chrétien].

Puéril ! le jeu qui exige les ressources combinées de l’agilité et du jugement, — quand on en a.

Puéril ! le jeu qui réunit l’amant et l’amante dans une fatigue commune.

Puéril ! le jeu dont tous les acteurs se transforment en sylphides — quelquefois essoufflées.

Oh ! non. Cela n’est pas.

Comme l’a dit un ancien amateur de ping-pong : «Est modus in rebus». Ce qui signifie évidemment : On peut jouer au ping-pong, sans rien casser.

Que les novices frappent — combien rarement, cependant ! — à tour de bras sur les nez voisins : je l’accorde.

Qu’ils fracassent en mille pièces le plus de cristaux possibles; qu’ils se précipitent sous les tables, sous les bureaux, sous les fauteuils, et, généralement, sous tout ce qui a un dessous, avec autant de détermination qu’un désespéré dans un puits : je l’accorde encore.

Mais c’est là un noble enthousiasme, susceptible en vérité de produire de grandes choses.

Qu’importe un bouton cédant à l’effort généreux, si l’on doit se voir décerner une médaille d’honneur ?

Foin de ces vétilles !

On vante — et à bon droit — la danse, comme évolution gracieuse et esthétique.

Qu’est-ce que le ping-pong, sinon une danse améliorée, régénérée, nouveau-siècle !

Le romantisme n’avait pas encore pénétré dans la danse; avec le ping-pong, il y entre de plain-pied.

Faisons une révolte au soir des entrechats.

Brisons ! brisons les règles froides et sans raison !

Donnons libre carrière au génie chorégraphique.

Le ping-pong, avec ses mouvements gracieux, ses évolutions infiniment variées et libres, ses poses idéales, ses éloignements et ses retours imprévus et charmants : voilà la danse de l’avenir, la vraie, l’unique danse.

Que dire de ses bienfaits ? Ils confondent les plus hauts esprits.

Cette jeune femme, dont vous admirez la chaude carnation, les harmonieuses proportions, l’air aristocratique : dans quelle fontaine de jouvence s’est-elle plongée ?

Le ping-pong lui a tout donné.

C’est lui qui guérit le croup et le mal de tête, le mal de dents et les entorses, la mélancolie et les cors aux pieds.

Et si je vous quitte — aimables lectrices — croyez que c’est uniquement pour aller jouer au ping-pong.

Un fervent.

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