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La vente des secrets

Une fois par année, ça vous dirait d’aller à l’encan de la gare Windsor ? Beaucoup de voyageurs oublient dans le train des paquets, des sacs, des valises non réclamés. Et participer à cet événement public qui se tient au sous-sol de la gare, c’est comme acheter un billet de loterie. Voyez cet texte qui fait la une de La Patrie du 3 avril 1902.

Plusieurs personnes s’étaient rendues, ce matin, vers onze heures, dans le sous-sol de la gare Windsor, où l’on vendait à l’enchère des malles, des sacs, des colis, des caisses et autres effets que des voyageurs n’ont jamais réclamés.

Chose curieuse ! C’est que le public achète sans voir ni palper, à distance, — une forte chaîne maintient la foule à plus de 10 pieds des objets. Chaque objet est numéroté et l’on achète un numéro au hasard. On voit bien si c’est une malle ou une caisse ou un sac, mais c’est tout. Le crieur fait mousser les offres, mais très peu monte au-delà de $2.00 C’est un coup de dé. Ces colis n’ont pas été visités auparavant. Un voisin du représentant de la «Patrie» racontait que l’an dernier, un monsieur bien mis acheta ainsi pour un dollar une mallette d’assez pauvre apparence. Il y avait à l’intérieur pour $5,000 de bijoux. Ça, c’est de la veine; il faut faire aussi la part de la déveine qui est considérable. Voilà pourquoi tous ces objets ne montent pas à des prix exorbitants.

Et maintenant, si l’on songe que plusieurs de ces colis peuvent renfermer des secrets bien intimes, révéler des drames, cacher dans leurs flancs des angoisses d’âmes inquiètes, des désespoirs de parias de la vie et de la société, c’est à faire frémir, mais quelle mine pour les romanciers. Lettres brûlantes, portraits de famille, d’individus disparus à jamais, simple bagage de vagabond ou marchandises de contrebande, que de choses diverses.

Le représentant de la «Patrie» s’est fendu de $2.00 le colis 209. S’il y trouve une fortune, on en reparlera…

 

Dites, voilà un moment que vous cherchiez le départ d’une œuvre de fiction, vous aviez besoin d’une poussée dans le dos ? glissez-vous dans cette foule, le journaliste de La Patrie a raison : quelle mine pour les romanciers ! Sérieusement, vous avez ici toute une partance. Le cinéaste français Claude Lelouch a imaginé le scénario de plusieurs de ses films avec de semblables départs qui permettent tous les possibles. Faites-nous signe si l’envie vous prend et que vous cheminez, nous y ferons écho.

P. S. Le lendemain, 4 avril, La Patrie écrit  que le reporter, qui s’est fait adjuger le lot No 209 pour $2.00, affirme «qu’il s’est fait voler». « On lui a remis une malle qui ne contenait que quelques vêtements de la première enfance et un lacrymatoire de la décadence, selon l’expression de Labiche. » Mais il semble qu’il y eut des surprises heureuses. « On cite le cas d’un particulier qui ayant payé $3 pour une malle a trouvé des bijoux et des vêtements évalués à près de $400.  Un autre individu a acquis un panier chinois contenant de riches tapis et tentures d’une valeur inestimable. »

L’illustration provient du site suivant : http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/massic/accueil.htm, au descripteur «Gare Windsor».

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