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Pierres réfléchies

Arrêt sur le livre de l’écrivain et sociologue Roger Caillois (1913-1978), un passionné des pierres. Extraits de son ouvrage Pierres réfléchies.

 

 

J’ai cherché, je cherche dans le monde, qui est limité pour un dieu, mais inépuisable pour un mortel, l’élémentaire, le chiffre, plus précisément l’alphabet.

Les formes et les dessins des pierres offrent un prétexte à la dérive de mon esprit autant qu’une énigme à sa réflexion.

Je m’attarde un instant encore sur le signe isolé dans la rumeur des prismes. Il me semble que, gagné à l’insensibilité des pierres, presque tout ce qui est humain m’est devenu étranger. Non que je me sois endurci, c’est qu’il m’arrive aujourd’hui plus souvent qu’autrefois de me sentir à peine distinct de n’importe quelle donnée du monde.

Les pierres, immensément, sont anonymes et durables. Aussi, à l’heure tôt venue du dépouillement, dans la chute des feuilles où je suis l’arbre, est-ce aux pierres que je demande les repères moins labiles dont je ressens le besoin.

L’histoire entière de la vie est battement de cils; respir de substance ourlée, qui s’épand et se rétracte; un fiable effort lassé d’échapper à la géométrie originelle et qui cependant attend d’y retrouver le repos, une dernière et plus profonde ankylose.

Homme, sache que tu portes, inscrit en toi comme en toute chose, en tout être qui existe, le chiffre universel, serait-il plus qu’aux trois quarts effacé.

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