Les premiers jours de l’année 1895 à Montréal
Bien oui, allons-y donc. Tournons les pages du quotidien montréalais La Minerve au tout début de l’année 1895. La vie est bien diverse. Et, plus souvent qu’autrement, ces nouvelles se retrouvent à la une du journal.
Le 3 janvier 1895. L’ancienne cantine de Joe Beef a été au jour de l’An le théâtre d’une grande animation. On sait que cette fameuse buvette a été transformée en refuge pour les partisans de l’Armée du Salut. À l’occasion du nouvel an, il y a eu table ouverte à tout le monde. Plus de 400 personnes, la plupart des émigrés anglais, se sont présentées. Durant la nuit, les dortoirs ont été occupés sans exception.
Le 7 janvier 1895. Le pont de glace est complètement formé et on a commencé à traverser en traîneau entre Longue-Pointe et Boucherville. Aujourd’hui, on commencera à tracer les différents chemins vis-à-vis la ville.
Le 9 janvier 1895. La saison des réceptions. Nous voici revenus à l’époque où chacun ouvre tout grand son salon aux amis. La musique et les pianos vont se faire entendre de tous côtés. Si vous chantez, n’abordez pas votre grand morceau sans avoir une voix claire; mettez-vous en puissance de tous vos moyens en prenant quelques doses de Baume Rhumal avant de partir de chez vous et vous pourrez affronter la critique. Le Baume Rhumal se vend partout 25 cts le flacon.
Le 9 janvier 1895. Le Free Coal Fund a fait beaucoup de bien dans notre cité. Les soirées Queen’s au profit de cette œuvre ont rapporté la somme de $1,109. Jusqu’à présent, le Free Coal Fund a distribué par demi-tonne du charbon à 150 familles, et ce charbon n’a été donné qu’après avoir vérifié si celui qui en faisait la demande était réellement pauvre et dans le besoin.
Le 11 janvier 1895. Il n’y avait, hier matin, sur la liste de la cour du recorder, que cinq noms et tous les prisonniers ont été condamnés dans la chambre du juge. En conséquence, quand M. de Montigny est monté sur le banc, il ne restait plus personne à juger. Profitant de l’occasion, M. Guérin, avocat, lui a présenté au nom du barreau de Montréal une paire de gants blancs et lui a souhaité de présider la cour du recorder pendant de longues années encore. M. de Montigny lui a répondu en faisant l’éloge des employés de la cour qui, a-t-il déclaré, lui rendent sa tâche des plus aisées.
(En 1900, il est une coutume dans les villes de Montréal et de Québec, dont j’ignore l’origine. La journée où aucun prévenu n’a à comparaître devant le Recorder, le juge de la Cour municipale, un avocat, représentant le Barreau local, remet à ce dernier une paire de gants blancs.)
Le 11 janvier 1895. La misère. Le recorder a envoyé hier en prison pour trois mois un vieillard, âgé de 63 ans, nommé Antoine Rochon, qui était sans feu ni lieu.
Le 11 janvier 1895. L’enlèvement de la neige. Les charretiers du département des chemins se plaignent que la paie se fait longtemps attendre et ne se fait que selon le bon vouloir des employés de la corporation. Le travail de l’enlèvement de la neige est commencé depuis trois semaines et ce n’est que mercredi [le 9 janvier] que les ouvriers ont été payés. Les charretiers prétendent encore que le système de billets usité jusqu’ici est défectueux; que les courses à faire sont trop longues, que les dépotoirs sont trop éloignés et les paies moins élevées que ceux de l’an dernier.
Le 12 janvier 1895. L’enlèvement de la neige. Le département des chemins a aujourd’hui même à son emploi 700 journaliers occupés à l’enlèvement de la neige.
Le 12 janvier 1895. Sophranie Lauzon a été condamnée par le Recorder à six mois de prison.
Le 15 janvier 1895. La glace. La traverse de Longueuil doit être finie d’hier. Celle de Saint-Lambert, près de l’île, est aussi terminée d’hier soir. La traverse d’en haut est déjà faite et celle de Laprairie sera tracée ces jours-ci.
Le 16 janvier 1895. Un fléau de mendiants. Le chef de police a donné ordre à ses officiers d’arrêter les mendiants qui ne seront pas munis d’un certificat exigé par la loi. L’armée des quémandeurs est devenue si nombreuse qu’elle est un vrai fléau. Chaque jour, il y a des personnes qui vont porter plainte au bureau de police. L’audace de certains de ces vagabonds est telle que souvent les personnes à qui ils adressent leurs supplications sont obligées d’avoir recours à la police pour les chasser de leurs demeures. Ces mendiants sont pour la plupart des étrangers qui viennent ici vivre aux dépens de notre population et beaucoup d’entre eux sont loin de mériter la charité qu’ils implorent.
Le 17 janvier 1895. Écoles insalubres condamnées par les commissaires. Les commissaires d’écoles catholiques se sont réunis, mardi après-midi, sous la présidence du chanoine Bruchési. Étaient présents, les Révérends MM Leclair et Quinlivan, les Drs Desjardins et Brennan, les échevins Beausoleil et Farrell. On a lu un long rapport du bureau provincial d’hygiène, condamnant les écoles Montcalm et Sarsfield, sous le rapport sanitaire. Dans ces deux maisons d’éducation, paraît-il, la ventilation est défectueuse ainsi que le drainage, les urinoirs et les cabinets d’aisance sont placés dans l’intérieur, de manière à infester les classes, etc. Un comité spécial est chargé de conférer de la question avec le bureau d’hygiène pour voir aux moyens à prendre, afin de remédier à cet état de choses.
Et voici, ci-haut, cette école Sarsfield condamnée pour des raisons d’hygiène. Sur internet, on la trouvera à l’adresse suivante : http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/massic/accueil.htm, sous le descripteur «Sarsfield School».